Dans un contexte politique marqué par des tensions récurrentes autour de la gestion du pouvoir local, l’appel lancé par Lawrence Lolo Kyungu Kibwe, président national de l’Union nationale des fédéralistes Kyunguiste (ANAFEK), résonne comme une tentative de freiner des dérives aux conséquences potentiellement lourdes pour la cohésion régionale. Alors que des disputes entourent la mairie de Lubumbashi, le leader politique a choisi de placer son samedi politique sous le signe de l’unité, enjoignant aux jeunes du Grand Katanga de rejeter catégoriquement le tribalisme. Ce discours, s’il semble louable dans son intention, interroge sur la capacité des élites politiques à contenir des forces centrifuges qu’elles ont parfois, elles-mêmes, instrumentalisées.
Lors de sa matinée politique tenue ce samedi 06 décembre à Lubumbashi, Lawrence Lolo Kyungu a adopté une posture de rassembleur, martelant un message clair : le développement de la région passe impérativement par l’unité. « Quand on prêche les tribus, on tue le pays », a-t-il asséné, visant directement les comportements qu’il qualifie de « séparatistes ». Cette mise en garde vigoureuse contre le tribalisme au Katanga n’est pas anodine. Elle intervient en effet dans le sillage d’une série de remous ayant secoué l’institution municipale lubumbasienne, faisant craindre une ethnicisation des conflits de gouvernance. Le président de l’ANAFEK, parti membre de l’Union sacrée de la nation, a donc pris soin de réaffirmer son soutien aux « institutions provinciales légalement établies », citant nommément la Mairie de Lubumbashi et la maire Joyce Tunda, dont la légitimité a été récemment confirmée. Cette prise de position ferme vise-t-elle à calmer le jeu ou à consolider un camp politique face à d’autres influences ?
La référence explicite à la maire Joyce Tunda et le soutien affiché à l’administration en place ne sont pas dénués d’arrière-pensées stratégiques. En appelant à ne pas faire de ce dossier « la base des problèmes à caractère tribal », Lawrence Lolo Kyungu reconnaît implicitement l’existence d’un risque réel. Son discours tente de circonscrire le débat au strict cadre légal et institutionnel, une manière élégante de désamorcer les critiques et d’isoler les factions qui joueraient la carte ethnique. Cependant, cette volonté affichée de pacification contraste avec le « climat de malaise » qu’il évoque lui-même, laissant poindre les limites de son influence sur l’ensemble des acteurs katangais. Le tribalisme, ce vieux démon de la politique congolaise, résiste souvent aux incantations, surtout lorsqu’il sert des intérêts d’accès aux ressources et au pouvoir.
Poursuivant sa démonstration, le leader kyunguiste a étendu son plaidoyer pour la stabilité institutionnelle au niveau provincial. Sans ambages, il a affiché son soutien au gouverneur intérimaire du Haut-Katanga, Martin Kazembe Shula. Ce ralliement public n’est pas une simple formule de politesse ; il s’accompagne d’une proposition concrète, presque pressante : celle d’un remaniement de l’équipe gouvernementale provinciale « le plus tôt possible ». Cette suggestion, formulée en pleine assemblée politique, est loin d’être anodine. Traduit-elle une simple volonté d’efficacité administrative, ou constitue-t-elle une douce pression pour une redistribution des portefeuilles plus favorable aux intérêts de l’ANAFEK et de son réseau ? Martin Kazembe Shula, en position intérimaire, se trouve ainsi placé devant un dilemme : suivre le conseil d’un allié influent pour asseoir son autorité, ou risquer de passer pour un indécis en maintenant un statu quo peut-être précaire.
L’initiative de Lawrence Lolo Kyungu s’inscrit dans une stratégie plus large de consolidation d’un pôle politique fédérateur au Katanga. En appelant les jeunes à se « départir de ces comportements séparatistes », il cherche manifestement à préparer l’avenir et à construire une base électorale ou militante transcendante les clivages traditionnels. Mais le pari est audacieux. Peut-on véritablement éradiquer le tribalisme par des discours, alors que les mécanismes de distribution du pouvoir et de la richesse restent souvent opaques et clientélistes ? La réponse à cette question rhétorique déterminera l’efficacité réelle de cette croisade pour l’unité.
En définitive, la sortie publique du président de l’ANAFEK fonctionne sur deux registres. Elle est d’abord un message de modération adressé à la base, visant à empêcher l’embrasement de querelles locales aux relents ethniques. Elle est ensuite un signal fort envoyé aux élites, réaffirmant son soutien au gouverneur Martin Kazembe Shula tout en l’invitant à agir pour renforcer son équipe. La balle est désormais dans le camp des institutions et des autres acteurs politiques. Accepteront-ils de jouer le jeu de l’apaisement prôné par Lawrence Lolo Kyungu, ou les logiques de division, habilement dénoncées mais profondément enracinées, finiront-elles par l’emporter ? L’évolution de la situation à la mairie de Lubumbashi et la réaction du gouverneur au conseil de remaniement fourniront les premiers éléments de réponse. Le développement harmonieux du Katanga, en tout cas, se joue aussi dans cette capacité à dépasser les réflexes identitaires pour privilégier l’intérêt général, un défi de taille pour l’ensemble de la classe politique régionale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
