En Ituri, un tournant sécuritaire se dessine. Le jeudi 4 décembre, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a officiellement transféré sa base militaire d’Amee aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Située dans le territoire de Mahagi, à une centaine de kilomètres au nord de Bunia, cette installation stratégique change de mains après avoir contribué, depuis son installation en 2020, à un apaisement relatif dans cette région. Ce transfert MONUSCO intervient sur la base d’une amélioration constatée de la situation sécuritaire depuis deux ans. Mais cette transition est-elle synonyme de stabilité durable ou d’un risque de recul ?
La présence des casques bleus a indéniablement marqué les territoires de Mahagi et de Djugu. Grâce à leur action, la sécurité s’est progressivement rétablie, permettant le retour de milliers de personnes déplacées. Ces habitants avaient fui les violences et les atrocités perpétrées par des groupes armés, au premier rang desquels la milice CODECO, tristement célèbre dans la province. Le retour à une vie normale s’est concrétisé par la réouverture des écoles, longtemps fermées par crainte des attaques. Les enfants ont repris le chemin des classes, un symbole fort de normalisation.
Les activités socio-économiques, paralysées pendant des années, ont également redémarré. Les marchés communautaires regorgent à nouveau de produits, et l’agriculture, pilier de l’économie locale, a retrouvé son rythme. Pachuto Marie Stella, directrice d’une école primaire située à proximité de la base militaire Amee, en témoigne avec conviction : « Avant, la peur régnait. Aujourd’hui, les enfants étudient, et les activités ont repris. C’est un acquis précieux qu’il faut absolument préserver. » Cette relance est le fruit tangible d’une sécurité retrouvée.
Au-delà des aspects économiques, la présence de la MONUSCO a favorisé des avancées sociales cruciales. Une cohabitation plus pacifique entre les différentes communautés locales s’est instaurée. Des mécanismes de résolution des conflits par le dialogue ont été mis en place, et des structures locales de paix ont vu le jour. Ces progrès, fragiles, sont salués par la population mais suscitent aussi une inquiétude légitime face au départ des casques bleus. Les menaces des groupes armés, bien que contenues, n’ont pas totalement disparu. CODECO et d’autres factions restent actives dans certaines zones reculées, rappelant la précarité de la situation.
La balle est désormais dans le camp des FARDC. Lors de la cérémonie de transfert, Christian Ngabu, président territorial des jeunes de Mahagi, a lancé un appel clair aux militaires congolais. « Les FARDC ont reçu de nouveaux équipements, notamment 30 tentes et 15 projecteurs de sécurité périmétrique. Elles doivent poursuivre le travail amorcé par la MONUSCO et préserver ces acquis », a-t-il insisté. La prise de contrôle de la base militaire Amee représente un test de crédibilité pour l’armée nationale. Sera-t-elle à la hauteur du défi sécuritaire en Ituri ?
Les inquiétudes exprimées par une partie des habitants sont compréhensibles. Le retrait de la MONUSCO, perçue comme un rempart contre les exactions, laisse un vide psychologique et sécuritaire. La peur d’une résurgence des violences plane. Les FARDC, souvent critiquées pour leur manque de moyens ou leur implication dans certains abus, devront redoubler d’efforts pour rassurer et protéger les civils. La transition nécessite une coordination étroite et un soutien continu de la communauté internationale pour éviter tout retour en arrière.
Ce transfert s’inscrit dans le cadre du processus global de retrait de la MONUSCO de la RDC. Chaque base restituée aux autorités congolaises est une étape vers une souveraineté sécuritaire assumée. Cependant, chaque étape est aussi un pari sur l’avenir. À Amee, comme ailleurs, les FARDC héritent d’une lourde responsabilité : consolider la paix dans une région encore marquée par les traumatismes du conflit. La sécurité en Ituri, et plus largement en RDC, dépendra de leur capacité à maintenir une présence dissuasive et respectueuse des populations.
Les prochains mois seront décisifs. La vigilance des acteurs locaux, des organisations de la société civile et des partenaires internationaux sera cruciale pour monitorer l’évolution de la situation. Le succès de cette passation de pouvoirs à Mahagi pourrait servir de modèle pour d’autres régions. En définitive, le transfert de la base d’Amee est bien plus qu’un acte administratif ; c’est un moment de vérité pour la stabilisation de l’Est de la République démocratique du Congo.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
