Au lycée Don Bosco de Sanga Mamba, dans le Kongo Central, l’air résonnait récemment de poèmes engagés et de pas de danse déterminés. Plus de 80 élèves, filles et garçons, ont transformé leur établissement en une tribune vibrante contre un fléau moderne : les violences numériques à l’égard des femmes et des filles. Cette mobilisation, orchestrée par Le Village des droits des femmes, n’était pas un simple spectacle. Elle marquait un temps fort de la campagne 16 jours d’activisme, une pierre ajoutée à l’édifice fragile de la sensibilisation dans les écoles de la RDC.
Comment, en effet, protéger la jeunesse congolaise des dérives du cyberespace ? La question était au cœur des quatre jours d’activités. Loin des discours théoriques, l’approche a misé sur l’expression artistique et le dialogue. Défilés de mode symboliques, ballets évocateurs et slams percutants ont servi de préambule à des échanges plus directs. L’objectif était clair : nommer l’innommable et briser le silence autour du harcèlement en ligne, du chantage à la webcam ou de la diffusion non consentie d’images intimes.
Charlotte Songue, experte en droits de l’homme au Bureau des Nations Unies aux droits de l’homme en RDC, a planté le décor en rappelant l’ampleur des violences basées sur le genre. Devant un auditoire attentif, elle a énuméré pas moins de seize formes de violences, de la plus physique à la plus insidieuse. « On ne vient pas à l’école pour chercher des amitiés ou un futur mari, mais pour apprendre, se former, se découvrir et construire son avenir », a-t-elle martelé, recentrant le débat sur la mission fondamentale de l’école. Un rappel nécessaire dans un contexte où les pressions sociales et les pièges numériques peuvent détourner les jeunes de leur parcours.
Le message a été relayé et amplifié par Maître Gloria Binti, qui a entrelacé les thèmes de la justice et du leadership. « Une femme doit être leader parce qu’elle a les capacités, les idées et les qualités pour guider, inspirer et faire avancer sa communauté », a-t-elle affirmé avec conviction. Son plaidoyer pour une participation égale aux décisions a résonné comme un appel à l’action. Dans une société où les voix des femmes sont souvent étouffées, promouvoir le leadership féminin dès le banc de l’école apparaît comme une stratégie cruciale pour construire un avenir plus équitable.
L’atelier pratique a ensuite offert un espace de parole libérateur. Les élèves ont partagé, parfois avec émotion, leurs propres expériences. Certaines jeunes filles ont évoqué la résistance de leurs familles face à leur choix de carrière, des métiers jugés « par défaut ». Pourtant, la fierté d’avoir persévéré transparaissait dans leurs témoignages. Ces confessions ont mis en lumière un autre front de la lutte : celui pour l’autonomie et la réalisation personnelle au-delà des stéréotypes. Cette sensibilisation dans les écoles du Kongo Central révèle ainsi une réalité plus large : la bataille contre les violences numériques envers les femmes en RDC est inextricablement liée à la conquête de tous les droits, y compris celui de choisir sa propre voie.
Au-delà de la dénonciation, cette initiative portée par Le Village des droits des femmes a semé des graines de changement. Elle a outillé ces adolescents avec des connaissances sur leurs droits et les mécanismes de protection. Mais le travail ne fait que commencer. Les violences en ligne évoluent rapidement, et la prévention doit être constante. Les écoles peuvent-elles devenir des sanctuaires numériques ? Les programmes éducatifs intègrent-ils suffisamment l’éducation au respect et à la citoyenneté numérique ?
Alors que la campagne des 16 jours d’activisme prend fin, l’engagement, lui, doit perdurer. L’énergie déployée à Sanga Mamba montre que la jeune génération est prête à être actrice de sa propre protection et de l’évolution des mentalités. En faisant de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles une affaire collective, impliquant garçons et filles, l’école redevient ce lieu de savoir et d’émancipation qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. La route est longue, mais chaque poème récité, chaque débat engagé, est un pas de plus vers une société congolaise où le numérique sera un outil de progrès, et non une arme de domination.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
