Dans le sillage des Accords de Washington pour la paix et la prospérité signés entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, une question épineuse resurgit avec force : la réouverture de l’aéroport international de Goma. Alors que les autorités de fait issues de la rébellion de l’AFC-M23 affirment que la crise humanitaire au Nord-Kivu est derrière elles, le gouvernement de Kinshasa, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, campe sur une position ferme. La réouverture conditionnelle de cette plateforme aérienne, présentée comme une priorité absolue par le président Félix Tshisekedi, est-elle devenue le baromètre de la sincérité des engagements pris à Washington ?
« Nous n’avons pas du tout abandonné le dossier », a martelé Thérèse Kayikwamba Wagner lors d’un briefing presse à Washington D.C., jeudi 4 décembre 2025. Pour la cheffe de la diplomatie congolaise, il s’agit d’une question de vie ou de mort pour des milliers de citoyens. Elle dépeint un tableau sombre où les ressources pour l’assistance humanitaire se raréfient, rendant une gestion efficiente impérative. « Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’abandonner cette question », a-t-elle insisté, pointant du doigt l’urgence d’un accès humanitaire facilité vers les zones occupées. Cette prise de position, ferme et répétée, place la balle dans le camp de l’AFC-M23 et de son soutien rwandais, les sommant de faire preuve d’humanisme et de cesser d’instrumentaliser la souffrance des populations.
Pourtant, la rébellion maintient un refus catégorique. Yannick Tshisola, membre influent de la délégation du mouvement, soutient que la situation humanitaire s’est normalisée sous leur gouvernance, allant jusqu’à affirmer la disparition des camps de déplacés autour de Goma. L’AFC-M23 accuse certains acteurs humanitaires de mener un lobbying auprès de la France pour des motifs essentiellement financiers. Ce narratif, qui contredit frontalement les alertes des agences onusiennes et des ONG, révèle-t-il une stratégie délibérée de minimisation de la crise pour consolider un contrôle territorial ? La position du mouvement, appuyé par Kigali, semble viser à légitimer son administration de fait tout en coupant un lien aérien vital que Kinshasa et ses partenaires internationaux considèrent comme une bouée de sauvetage.
L’enjeu dépasse désormais le cadre humanitaire pour devenir un test de crédibilité géopolitique. Le président français Emmanuel Macron a explicitement soutenu l’initiative de réouverture humanitaire de l’aéroport de Goma, y voyant un signal concret attendu par les populations. Il compte sur l’appui des co-médiateurs de l’accord Washington RDC Rwanda, à savoir les États-Unis et le Qatar, pour traduire cette volonté en actes. La réussite ou l’échec de ce dossier pourrait ainsi mesurer l’influence réelle de ces puissances extérieures sur le terrain congolais et leur capacité à imposer des compromis à une rébellion récalcitrante.
Cette impasse persistante autour de l’AFC M23 et l’aéroport de Goma expose les limites des dialogues parallèles. D’un côté, Kinshasa, par la fermeté de Thérèse Kayikwamba Wagner, tente de maintenir la pression morale et diplomatique. De l’autre, le M23, fort de son contrôle militaire, oppose une fin de non-recevoir teintée de déni. Entre les deux, les populations du Nord-Kivu continuent de payer le prix fort d’une logistique humanitaire entravée. Les observateurs s’interrogent : les Accords de Washington, censés jeter les bases d’une paix durable, seront-ils capables de briser ce blocage ? La communauté internationale, et particulièrement les médiateurs, se retrouve à un carrefour. Son intervention devra être plus décisive et coordonnée pour éviter que la crise humanitaire au Nord-Kivu ne sombre dans l’oubli, sacrifiée sur l’autel des calculs politico-militaires.
La suite des événements dépendra de la capacité des parties à transcender les postures pour privilégier l’action concrète. Le gouvernement congolais joue sa crédibilité sur la scène internationale en faisant de ce dossier un marqueur de son engagement. Pour l’AFC-M23, le refus de coopérer pourrait, à terme, se retourner contre sa propre légitimité naissante. Dans cette partie d’échecs complexe, chaque coup retardé a un coût humain exorbitant. La réouverture, même partielle, de l’aéroport de Goma reste le premier pas tangible à franchir pour démontrer que les mots de paix ont un écho au-delà des salles de conférence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
