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CIER RDC-Rwanda : L’Intégration Économique Otage de la Sécurité

L’ambitieux Cadre d’intégration économique régionale (CIER) conclu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, souvent présenté comme un tournant historique, rencontre son premier et redoutable garde-fou. Selon les dispositions internes du document, cet accord économique RDC Rwanda ne déploiera ses effets qu’après la « bonne exécution » de deux instruments militaires techniques. Cette condition préalable, rarement observée dans les traités économiques régionaux, révèle la profonde méfiance qui persiste entre les deux capitales et place la sécurité comme prérequis absolu à toute coopération économique substantielle.

Quels sont ces verrous sécuritaires ? Il s’agit précisément du Concept d’opérations (CONOPS) annexé à l’accord de paix du 27 juin 2025, et de l’Ordre d’opération négocié en septembre 2025 et approuvé par le Comité de surveillance conjointe de l’Accord de Washington le 1er octobre 2025. L’architecture est donc claire : le même Comité de surveillance conjointe qui a validé l’ordre opérationnel devra également juger de son exécution satisfaisante pour déclencher, tel un interrupteur, l’entrée en vigueur du CIER. Cette subordination de l’économie à la sécurité dessine les contours d’une intégration économique régionale sous haute surveillance, où chaque avancée commerciale ou infrastructurelle sera conditionnée par des progrès tangibles sur le terrain sécuritaire, notamment dans les provinces de l’Est de la RDC.

Une fois ce seuil critique franchi, le dispositif prévoit une mise en œuvre graduelle, calibrée comme une machine aux rouages complexes. Un sommet annuel de haut niveau sur l’intégration économique régionale est institué comme organe de supervision politique, dont la première édition doit se tenir dans un délai maximal de six mois post-signature. Sur le plan opérationnel, un Comité directeur du CIER, chargé de piloter l’ensemble du processus, devra se réunir dans les 30 jours. Son agenda immédiat ? Mettre sur pied, dans un délai de 45 jours, des groupes de travail techniques spécialisés. Parmi eux, un groupe dédié à la stratégie de financement et à la constitution d’une réserve de projets sera crucial, car il devra identifier les sources de fonds pour concrétiser cette coopération.

Le document adopte une prudence méthodologique notable. Les mesures de mise en œuvre détaillées dans les chapitres sectoriels – couvrant l’énergie, les infrastructures, les chaînes d’approvisionnement en minerais, les parcs nationaux et le tourisme, la santé publique et d’autres secteurs – sont qualifiées d’« instructives et non normatives ». Cette nuance juridique est fondamentale : elle signifie que ces propositions ne créent pas d’obligations contraignantes immédiates, mais servent de feuille de route indicative. Le CIER se conçoit ainsi comme un cadre « évolutif et dynamique », appelé à être ajusté en fonction des travaux des groupes techniques et des décisions du sommet annuel.

Cette flexibilité intentionnelle répond à un impératif de réalisme. La mise en œuvre CIER devra nécessairement s’articuler, et parfois se superposer, avec la myriade de mécanismes régionaux préexistants. Le texte mentionne explicitement la nécessité d’une coordination avec la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et l’Union africaine (UA). Cette superposition des cadres institutionnels pose un défi de cohérence et de gouvernance, mais aussi une opportunité de synergies si la coordination est efficace.

Quel impact économique peut-on anticiper ? À court terme, l’effet est nul, gelé par la condition sécuritaire. À moyen terme, si la mise en œuvre se concrétise, les secteurs-clés comme l’énergie et les infrastructures pourraient bénéficier d’investissements transfrontaliers. Les chaînes d’approvisionnement en minerais, secteur vital pour les deux économies, font l’objet d’un chapitre spécifique, laissant entrevoir une possible formalisation et sécurisation des flux commerciaux, aujourd’hui souvent opaques. Cependant, le caractère « progressif » et « non normatif » des mesures tempère toute attente de changement rapide.

En définitive, ce cadre d’intégration économique apparait moins comme un traité classique que comme une déclaration d’intention sophistiquée, conditionnée par un agenda sécuritaire et structurée par une mécanique institutionnelle lourde. Son succès dépendra non seulement de la volonté politique au plus haut niveau, mais aussi de la capacité des groupes techniques à produire des projets bancables et de l’aptitude à fédérer les partenaires internationaux et le secteur privé autour de cette vision. Pour l’instant, la balle est dans le camp des militaires et des diplomates de sécurité. L’économie, elle, attend son tour, illustrant une fois de plus dans la région des Grands Lacs que le développement est indissociable de la paix.

Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd

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Amissi G
Amissi G
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
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