Appuyée sur sa béquille, Anita Tabay frissonne en évoquant les nuits de terreur. “Lorsque les coups de feu éclatent, je reste figée. Comment fuir quand on ne peut pas courir ?” confie-t-elle, les yeux embués. Comme elle, des centaines de personnes vivant avec un handicap à Bunia, dans la province de l’Ituri, se sentent abandonnées face à la violence des groupes armés.
Ce cri du cœur, elle l’a poussé à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, célébrée chaque 3 décembre. Une journée qui, loin des festivités, a sonné comme un rappel à l’ordre pour les autorités. À Bunia, la capitale de l’Ituri, les personnes handicapées ont saisi cette tribune pour exiger une meilleure protection et un accès équitable aux services de base.
Roger Kaviavu, président de la structure locale des personnes handicapées, dresse un bilan sans appel. “L’État doit nous traiter avec dignité. Au quotidien, c’est le manque de mobilité qui nous paralyse littéralement”, explique-t-il. Les rues défoncées de Bunia, l’absence de transports adaptés, tout concourt à isoler ces personnes. Mais le problème est plus profond : “Certains parents se demandent encore s’il est utile de scolariser un enfant handicapé. Et quand vient le temps de chercher du travail, on nous écarte sans vergogne. J’ai moi-même été refusé à un emploi parce que je suis handicapé.”
Dans une région en proie à l’insécurité chronique, cette marginalisation devient mortifère. “Lors des attaques, nous sommes les premières victimes, car nous ne pouvons pas nous sauver. Beaucoup sont tués simplement parce qu’ils ne peuvent pas fuir”, témoigne Anita Tabay, résumant une angoisse partagée. La protection des handicapés en Ituri n’est donc pas qu’une question sociale, mais une urgence humanitaire.
Pourtant, au milieu de ces défis, des lueurs d’espoir persistent. Grâce Furaha, amputée des deux pieds, a trouvé dans le sport une raison de se battre. “Je me sens vivante quand je joue au basket-ball. J’espère que mon exemple encouragera d’autres personnes vulnérables à nous rejoindre”, lance-t-elle avec un sourire déterminé. Son histoire rappelle que l’inclusion sociale en RDC passe aussi par la reconnaissance des capacités de chacun.
Mais comment en est-on arrivé là ? Pourquoi, en 2023, l’accès aux services pour les handicapés en RDC reste-t-il un parcours du combattant ? Les infrastructures adaptées sont rares, les politiques d’inclusion peu appliquées, et les mentalités lentes à évoluer. La Journée internationale des personnes handicapées devrait être l’occasion de réflexions concrètes, mais sur le terrain, les promesses tardent à se matérialiser.
Les autorités locales sont-elles à l’écoute ? Si des discours de bonne volonté ont été prononcés lors de la commémoration, les actes concrets se font attendre. La coordination des actions entre l’État central et les provinces comme l’Ituri est cruciale pour mettre en œuvre des programmes d’inclusion. Sans cela, les personnes handicapées à Bunia resteront dans l’oubli.
L’appel lancé à Bunia résonne bien au-delà de l’Ituri. Il interpelle toute la société congolaise sur sa capacité à intégrer les plus vulnérables. Sans une volonté politique ferme, sans budgets dédiés et sans sensibilisation massive, les personnes handicapées continueront de subir discrimination et insécurité. Leur protection et leur inclusion ne sont pas des faveurs, mais des droits fondamentaux. À quand une véritable politique d’accès aux services pour les handicapés en RDC ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
