Les mains encore tremblantes, Jean-Paul, un pèlerin rescapé, raconte le moment où le sol semble avoir disparu sous ses pieds. « Le moteur a fait un bruit terrible, puis tout a basculé. L’eau est arrivée si vite. Nous avons crié, prié, et l’espoir a failli couler avec le bac. » Ce témoignage poignant illustre le naufrage du bac Nepoko survenu ce lundi 1er décembre 2025, un accident fluvial en RDC qui aurait pu virer au drame absolu. Transportant près de 150 tonnes de marchandises et de passagers, l’embarcation a sombré dans les eaux de la rivière Nepoko, dans le secteur de Malika-Mabudu-Babyeru, territoire de Wamba, au cœur du Haut-Uele.
Comment un trajet spirituel a-t-il pu se transformer en une telle épreuve ? Le bac, moyen de transport vital pour les communautés isolées, assurait ce jour-là la liaison habituelle. À son bord, outre des marchandises et un imposant camion-citerne, se trouvaient des dizaines de fidèles. Ils effectuaient un pèlerinage vers Isiro pour commémorer le 61ᵉ anniversaire du martyre de la bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta. Une journée destinée au recueillement qui a tourné au cauchemar lorsque, selon les premières investigations, une panne technique du moteur central a privé le bac de toute manœuvrabilité, le laissant à la merci du courant.
Face à un tel scénario, une question s’impose : jusqu’à quand les populations devront-elles risquer leur vie pour se déplacer ou pratiquer leur foi ? Cet accident fluvial en RDC n’est malheureusement pas un cas isolé. Il met en lumière la vétusté chronique des équipements de transport sur les voies d’eau intérieures, pourtant artères économiques et sociales essentielles. La société civile locale, rapidement sur place, a confirmé un fait presque miraculeux : aucune perte en vie humaine n’est à déplorer. Cette annonce a soulagé une communauté entière, mais ne doit pas occulter la gravité de la situation.
« C’est un avertissement sérieux que nous adresse le fleuve », analyse un leader communautaire sous couvert d’anonymat. « Nous jouons avec le feu à chaque traversée. Ces bacs sont souvent surchargés, mal entretenus, et les contrôles techniques sont rares. La chance a sauvé des vies cette fois, mais elle ne sera pas éternelle. » Ces propos reflètent une inquiétude collective face à un système de transport précaire. Alors que des opérations sont en cours pour tenter de remorquer l’épave vers un point d’accostage, l’incident interroge sur la responsabilité des autorités et les investissements nécessaires pour sécuriser les déplacements.
Le drame évité de justesse sur la Nepoko pose un enjeu sociétal majeur : la sécurité des citoyens doit-elle passer après les considérations économiques ou logistiques ? Le pèlerinage à Isiro, événement religieux d’importance, devrait être synonyme de paix et de sérénité, non d’angoisse et de danger. La récurrence de ces incidents montre que le problème est systémique. Il appelle à une réponse globale, incluant un audit technique du parc fluvial, la formation des opérateurs, et une régulation stricte des charges transportées.
L’histoire de ce bac qui a coulé dans le Haut-Uele est un récit de peur, de chance, mais surtout de négligence. Elle se répète, sous différentes formes, sur de nombreux cours d’eau du pays. Tant que la sécurité ne sera pas érigée en priorité absolue, chaque traversée restera une loterie. La résilience des populations, bien que remarquable, a des limites. L’appel lancé depuis les rives de la Nepoko est clair : il est temps de jeter les bases d’une navigation sûre et digne, où la foi et la vie ne seront plus mises en péril par une simple panne technique du moteur de bac. La vigilance collective et l’action des autorités sont désormais attendues pour que ce signal d’alarme ne reste pas sans réponse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
