Comment former la relève de demain dans un pays où les jeunes diplômés peinent à trouver leur place dans le monde professionnel ? C’est la question centrale qui a rassemblé, ce mercredi, des femmes ministres et des étudiants congolais autour d’une table de dialogue. Organisé conjointement par le Ministère de l’Enseignement supérieur et ONU Femmes RDC, cet événement à l’Institut National des Arts (INA) de Kinshasa a mis en lumière les défis et les espoirs de l’insertion professionnelle des étudiants.
Placé sous le thème « Jeunes leaders transformateurs pour toujours », ce dialogue intergenerationnel RDC visait avant tout à briser les silos. L’objectif était clair : créer un pont entre l’expérience des femmes qui occupent des postes de décision et l’énergie, parfois frustrée, d’une jeunesse en quête de repères. Pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Marie Thérèse Sombo, la jeunesse congolaise doit s’engager activement et rêver grand. Mais ce rêve, comment le concrétiser dans un marché du travail souvent perçu comme impénétrable ?
Une interrogation à laquelle Clémentine Sangana, chargée des programmes à ONU Femmes en RDC, a apporté une réponse pragmatique. « Les étudiants restent souvent enfermés dans les auditoires, sans savoir ce qui se passe dans les bureaux », a-t-elle déploré. Son plaidoyer ? Organiser des journées portes ouvertes dans les ministères pour offrir une première immersion réelle. Une idée simple mais qui pourrait révolutionner la transition vers l’emploi, permettant aux jeunes de comprendre les mécanismes du pouvoir et de l’administration avant d’y être jetés en pâture, sans expérience.
L’événement est allé au-delà des discours. Pour incarner ce leadership jeunes Congo, les participants ont été plongés dans le vif du sujet. Des étudiants de plusieurs institutions, dont l’ISTA, l’INA, l’UNIKIN et l’UPC, ont endossé le rôle de ministres lors d’une simulation de réunion gouvernementale. Devant la vraie ministre, ils ont présenté des projets et défendu leurs arguments sur des thématiques précises. Cet exercice de jeu de rôle avait une vertu pédagogique essentielle : démontrer que le leadership ne s’apprend pas seulement dans les livres, mais aussi dans l’action et la prise de parole.
Mais au fond, qu’est-ce qu’un leader ? La question, posée par les jeunes durant l’échange, a trouvé un écho profond dans la réponse de Marie Thérèse Sombo. « Le leadership est d’abord une question de savoir-être, pas seulement d’actions », a-t-elle souligné. Pour elle, cette qualité repose sur des valeurs, le respect mutuel, le courage et la capacité d’oser pour dépasser les barrières. Un message fort, qui place l’humain au centre de l’exercice du pouvoir et insiste sur l’équilibre physique et mental nécessaire pour incarner ses principes.
Le dialogue a également abordé un sujet sensible : la place des femmes ambitieuses dans la société congolaise. La ministre a vigoureusement dénoncé le préjugé selon lequel une femme diplômée ou ayant une carrière ne pourrait pas avoir un foyer stable. « Une femme peut être mariée, avoir des enfants et poursuivre une carrière professionnelle », a-t-elle affirmé, brisant ainsi un stéréotype tenace. Cette dimension était cruciale dans un forum organisé avec ONU Femmes, rappelant que le leadership ne doit avoir ni genre ni limite.
Alors, ce type d’initiative est-il la clé pour résoudre la crise d’orientation que traversent de nombreux jeunes ? Sans être une solution miracle, ce dialogue intergenerationnel représente un premier pas significatif. Il reconnaît un problème systémique : le fossé entre la formation académique et les réalités du terrain. En créant un espace de parole et d’apprentissage mutuel, il offre aux étudiants de Kinshasa et d’ailleurs un capital de confiance et de réseau inestimable.
L’enjeu futur est maintenant de transformer cette parole en actes concrets. Les promesses de journées portes ouvertes dans les ministères devront être tenues. Les établissements d’enseignement supérieur devront, eux aussi, intégrer davantage de modules pratiques et d’immersions dans leurs cursus. Car le développement national, tant invoqué, a besoin d’une jeunesse non seulement bien formée, mais aussi bien guidée et audacieuse. Ce forum aura au moins eu le mérite d’allumer une étincelle et de montrer que le dialogue entre générations n’est pas un luxe, mais une nécessité pour construire l’avenir de la RDC.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
