24.2 C
Kinshasa
jeudi, décembre 4, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéEducationBunia : plus de 400 élèves déscolarisés à cause des frais de...

Bunia : plus de 400 élèves déscolarisés à cause des frais de soutien

Plus de 400 enfants, soit une grande partie des effectifs, ont brutalement déserté les salles de classe de l’école primaire Saint-Luc, située sur le site de déplacés de Kigonze à Bunia, dans la province de l’Ituri. En une semaine, une école s’est vidée de sa substance, laissant des bancs vides et un avenir incertain. Comment une somme aussi modeste que 6 000 Francs Congolais, équivalant à moins de trois dollars américains, peut-elle devenir une barrière infranchissable à l’éducation de base ? Cette situation illustre de manière criante la précarité qui frappe les populations déplacées, pour qui chaque franc compte.

La cause de cet exode scolaire massif est directement liée à l’incapacité des parents à s’acquitter des frais de soutien demandés par l’établissement. Ces 6 000 FC, destinés en principe à compléter la rémunération des enseignants, représentent une montagne pour des familles déjà éprouvées par les conflits et la fuite de leur foyer. Les frais de soutien, une pratique devenue courante dans de nombreuses écoles publiques et privées de la RDC pour pallier les insuffisances de l’État, se transforment ici en facteur d’exclusion. Le directeur de l’école, Benoît Loti, dresse un tableau sombre de la situation : « Les salles de classe se vident. Les uns sont devenus enfants de la rue. Chaque matin, ils se dirigent vers la ville pour exercer de petits travaux. Les autres restent à la maison avec leurs parents incapables de payer ».

Derrière ce phénomène d’abandon scolaire se cache une réalité économique implacable. Le site de Kigonze accueille des familles déplacées qui ont tout perdu. Leur priorité absolue est souvent la nourriture et un abri, reléguant l’éducation au second plan lorsque celle-ci a un coût, aussi minime soit-il. Cette spirale est d’autant plus inquiétante qu’elle risque de créer une génération sacrifiée, privée des outils essentiels pour se construire un avenir et participer au développement de la région. Que deviendront ces centaines d’enfants sans éducation dans une province comme l’Ituri, déjà marquée par l’insécurité ?

La crise ne se limite pas aux familles. Elle frappe de plein fouet les éducateurs eux-mêmes. Robert Ndjalonga, coordonnateur provincial de la Protection civile, tire la sonnette d’alarme. Il souligne que les huit enseignants pris en charge par le gouvernement menacent à leur tour de suspendre leurs activités, accusant trois mois d’arriérés de salaire. La question des enseignants impayés est un mal endémique qui mine le système éducatif congolais. Si les parents ne peuvent plus payer les frais de soutien et que l’État n’honore pas ses engagements, sur quelle base l’école peut-elle encore fonctionner ? M. Ndjalonga craint une fermeture totale de l’établissement, une première étape vers un chaos éducatif plus large.

Les conséquences d’une telle fermeture seraient désastreuses pour la communauté. « Si ces enfants cessent d’aller à l’école, on risque de les retrouver dans les différentes artères de Bunia Ituri. Ils seront alors exposés à des menaces ou à des incidents de protection », met en garde le coordonnateur. Les rues de Bunia pourraient ainsi voir grossir les rangs des jeunes en rupture, vulnérables à l’exploitation, au recrutement par des groupes armés ou à la délinquance. L’école, au-delà de son rôle d’instruction, représente un cadre protecteur essentiel dans un environnement instable.

Cette situation à Saint-Luc est un microcosme des défis immenses que rencontre l’éducation en République Démocratique du Congo, particulièrement dans les zones de crise comme l’Ituri. Elle pose des questions fondamentales : jusqu’où la communauté peut-elle supporter le financement d’un service public essentiel ? Comment l’État peut-il garantir le droit à l’éducation gratuit, tel que promis par la constitution, dans des contextes d’urgence humanitaire ? La réponse ne peut être uniquement locale. Elle nécessite une action concertée des autorités provinciales et nationales, ainsi qu’un soutien accru des partenaires internationaux.

L’enjeu n’est pas seulement de rouvrir les portes de l’école Saint-Luc, mais de repenser un modèle qui ne laisse personne sur le bord du chemin. La gratuité effective de l’enseignement primaire, promise depuis des années, doit devenir une réalité tangible, surtout pour les plus vulnérables. Sans cela, les salles de classe vides de Bunia Ituri ne seront qu’un sinistre avertissement, le prélude à d’autres désertions scolaires dans un pays où l’avenir se joue aussi sur les bancs de l’école. La communauté internationale et les acteurs locaux parviendront-ils à inverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard pour ces centaines d’enfants ?

Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net

Commenter
Yvan Ilunga
Yvan Ilunga
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Résumé de l'actualité quotidienne

Le Brief du Jour du 04 Décembre 2025

Découvrez l’essentiel du 4 décembre 2025 en RDC : crise sécuritaire, bras de fer politique, manifestations minières, attaque meurtrière sur la route de Yangambi, lutte contre le VIH, violences scolaires à Mudaka, et initiatives pour le leadership féminin. Un panorama condensé pour tout comprendre en trois minutes.

Derniers Appels D'offres

Derniers Guides Pratiques