L’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo a franchi, ce lundi, une étape formelle mais symboliquement forte en déclarant recevable la proposition de loi portant protection et promotion des droits des personnes du troisième âge. Initié par l’honorable Dhedhe Mupasa, député d’Idiofa, ce texte est désormais entre les mains d’une commission mixte, qui dispose d’une semaine pour en examiner les contours. Cette annonce, technique en apparence, ouvre en réalité un débat sociétal de fond sur la place des aînés dans la nation. Le député, membre du regroupement Trois Alliances, joue-t-il simplement une carte politique humaniste, ou son initiative parvient-elle à traduire une véritable urgence sociale longtemps reléguée au second plan des priorités législatives ?
L’argumentaire du parlementaire ne laisse aucune place au doute : l’adoption d’un cadre juridique solide est présentée comme une « urgence nationale ». Dans un pays où la protection sociale demeure fragmentaire et où les solidarités familiales traditionnelles sont mises à mal par l’exode rural et la précarité économique, une loi spécifique sur la protection des personnes âgées en RDC devient un impératif. Mupasa fixe le cap en alignant l’entrée dans le troisième âge sur le standard international de 60 ans révolus. Son plaidoyer s’appuie sur une rhétorique de conformité aux engagements internationaux, une stratégie classique pour légitimer une réforme domestique. Mais au-delà des principes, c’est la traduction concrète de ces engagements qui sera scrutée.
La proposition de loi détaille un éventail de mesures qui, si elles étaient adoptées et – surtout – appliquées, modifieraient substantiellement la condition des aînés. Parmi les innovations phares, on note la prise en charge directe par l’État, la répression des discriminations et maltraitances, ou encore des avantages logistiques comme la priorité dans les files d’attente. Sur le plan économique, le texte prévoit des exonérations fiscales ciblées, notamment pour l’impôt sur les revenus locatifs et les redevances de développement des infrastructures, visant à alléger le fardeau financier pesant sur cette frange de la population. Ces dispositions témoignent d’une volonté d’intégrer la question du troisième âge dans les politiques publiques, au-delà du simple registre de l’assistance.
Des créations institutionnelles sont également au programme, avec l’instauration d’un Conseil consultatif national du vieillissement et d’un Fonds national de solidarité. Ces structures ambitionnent de donner une voix et des moyens dédiés à la cause des personnes âgées. L’introduction d’une « carte verte », sésame pour accéder aux avantages, soulève toutefois des questions pratiques sur son financement, sa gestion et son efficacité dans un État souvent aux prises avec des défis logistiques majeurs. La loi troisième âge au Congo promet-elle ainsi une révolution administrative ou risque-t-elle de n’être qu’un catalogue de bonnes intentions, faute de ressources et de volonté politique réelle pour la mise en œuvre ?
L’initiative du député Mupasa place le gouvernement et la majorité parlementaire dans une position délicate. La recevabilité du texte est une chose ; son examen approfondi et son adoption en l’état en sont une autre. Les arbitrages budgétaires que supposent la création d’un fonds et les multiples exemptions fiscales ne manqueront pas de provoquer des résistances au sein de l’exécutif, soucieux de préserver les recettes de l’État. Par ailleurs, la protection spécifique prévue pour les femmes du troisième âge et les personnes âgées vivant avec un handicap interpelle sur la capacité des services sociaux existants à opérationnaliser une approche aussi différenciée.
Cette proposition de loi, en somme, agit comme un révélateur des tensions entre les impératifs sociaux et les réalités économico-administratives du pays. Elle offre un cadre ambitieux pour la promotion des droits des aînés, répondant à un besoin criant de reconnaissance et de sécurité. Cependant, son parcours législatif à venir sera le véritable test de la volonté politique congolaise. La commission mixte Sociale et culturelle-Genre, famille et enfant dispose de sept jours pour rendre son rapport – un délai court qui présage d’un examen rapide, peut-être trop rapide pour un texte aux implications aussi vastes. L’enjeu est de taille : transformer une avancée législative potentielle en progrès tangible pour les millions de Congolais entrant dans l’âge d’or. Le député Mupasa a lancé le débat ; sa réussite ou son échec dépendront maintenant de la capacité du système à traduire les mots en actes et à faire de la protection des personnes âgées une priorité budgétaire et humaine, et non un simple vœu pieux inscrit au Journal Officiel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
