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Félix Tshisekedi conditionne l’intégration régionale à un Rwanda pacifique

Dans un discours prononcé devant la diaspora congolaise en Serbie, le président Félix Tshisekedi a une nouvelle fois placé l’intégration régionale au cœur de son plaidoyer diplomatique. Mais derrière les déclarations de principe, un message ferme a été adressé à Kigali : aucune coopération substantielle avec le Rwanda ne sera possible sans un rétablissement préalable et tangible de la paix et de la confiance. Cette prise de position, loin d’être anodine, intervient à un moment charnière des négociations entre les deux pays, révélant les profonds fossés qui subsistent malgré les avancées protocolaires.

Le chef de l’État congolais a rappelé que sa vision n’avait pas varié depuis son accession au pouvoir en 2019. « Sur une intégration régionale, je veux dire, il n’y a rien de nouveau là », a-t-il affirmé, soulignant avoir fait de ses voisins sa première priorité. Son objectif affiché était alors de « proposer de vivre en paix à travers la mise en œuvre de politiques régionales, commerciales, économiques ». Pourtant, cet élan initial s’est heurté à une réalité géopolitique plus âpre. Tshisekedi n’a pas mâché ses mots pour dénoncer ceux qui ont « trahi » cette ambition, pointant du doigt, sans les nommer explicitement, des pays voisins « très mal intentionnés » qui ont « poignardé [la RDC] dans le dos depuis 2022 ». Cette accusation voilée mais transparente envers le Rwanda dessine les contours d’une méfiance persistante qui hypothèque tout projet commun.

Comment, dans ces conditions, concilier un panafricanisme affiché avec une défiance aussi structurelle ? Le président tente cet exercice d’équilibre en séparant l’idéal du réel. « Je suis panafricaniste avant tout », a-t-il insisté, expliquant ne pouvoir imaginer le développement de la RDC sans celui de l’Afrique tout entière. La République démocratique du Congo, « bénie par le Seigneur », aurait même une vocation à faire rejaillir son bonheur sur le continent. Une rhétorique qui flatte le sentiment de fierté nationale et la diaspora congolaise en Serbie, mais qui sonne comme un vœu pieux face aux tensions actuelles. Tshisekedi lui-même le reconnaît, qualifiant cette période de conflit d’« instantanée », et non d’éternelle, professant sa foi en une « Afrique vainqueur, conquérante ». Mais le chemin vers cette Afrique conquérante passe par une condition sine qua non pour Kigali.

La ligne rouge est claire, nette et sans ambiguïté. « L’intégration régionale… elle ne prendra compte du Rwanda que lorsque celui-ci aura quitté totalement le sol congolais, nous aura laissés en paix et que la confiance entre nous sera reconstruite », a-t-il martelé. Le président utilise une logique commerciale pour étayer son propos : « On ne fait pas de commerce avec quelqu’un dont on se méfie, en qui on n’a pas confiance. » Cette position illustre la stratégie de Tshisekedi : il joue gros en liant tout progrès économique à un préalable sécuritaire et politique absolu. Le risque est de taille : fragiliser le processus de paix en cours ou, au contraire, se poser en garant intransigeant de la souveraineté congolaise face à une opinion publique méfiante.

Ces déclarations prennent une résonance particulière au regard du calendrier diplomatique serré. Alors que les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont paraphé le texte intégral du cadre d’intégration économique régionale à Washington dans la nuit du 7 au 8 novembre – présenté comme le volet économique de l’accord de paix RDC Rwanda du 27 juin –, Tshisekedi appelle à la prudence. Il met en garde contre « les effets d’annonce », précisant que l’accord « sera signé » mais que sa mise en œuvre « n’entrera en compte que si et seulement si la paix est réellement vécue ». Cette distanciation rhétorique par rapport aux avancées techniques montre que pour Kinshasa, la signature n’est pas une fin en soi, mais un instrument conditionnel.

La prochaine échéance est de taille : une rencontre prévue le 4 décembre à Washington entre Félix Tshisekedi, Paul Kagame et l’ancien président américain Donald Trump, pour parapher formellement le cadre économique et l’accord de paix. Cet événement sera le véritable test de la volonté des deux parties. Tshisekedi place la barre très haut, faisant de la paix réelle et de la confiance les seuls critères acceptables. « Nous ne pensons pas que le développement peut se faire en dehors de la paix. La paix est d’abord le critère principal », a-t-il résumé. Une position qui peut sembler indiscutable, mais qui dans le contexte des Grands Lacs, relève du pari politique audacieux.

Au final, le discours de Félix Tshisekedi en Serbie sert moins à annoncer une nouvelle politique qu’à réaffirmer une doctrine dans un cadre international. Il s’agit de rappeler aux alliés et aux adversaires que la RDC n’entend pas brader sa sécurité pour des promesses de développement économique. La balle est désormais dans le camp rwandais : démontrer par des actes concrets le retrait et la volonté de paix que Kinshasa exige. L’échec ou le succès de cette stratégie de fermeté négociée déterminera non seulement l’avenir des relations bilatérales, mais aussi la crédibilité de la vision panafricaniste portée par Tshisekedi. Le sommet de décembre s’annonce dès lors comme un moment de vérité, où les poignées de main devront se traduire en engagements irréversibles.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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