Kisangani, Tshopo – Dans la province de la Tshopo, la santé de près de 14 600 personnes vivant avec le VIH repose sur un équilibre précaire. Sous traitement antirétroviral, cette population risque aujourd’hui une rupture de prise en charge, une situation alarmante révélée à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le Sida. L’alerte, lancée par le Programme national de lutte contre le VIH/Sida (PNMLS), souligne une crise de financement qui menace d’annuler des années d’efforts dans la lutte contre cette pandémie.
La cérémonie de commémoration à Kisangani a servi de tribune pour un cri d’alarme unanime. Le Dr Aloïs Olinda, coordonnateur provincial du PNLS, a dressé un tableau sombre : « On ne couvre que 41 % de la population. Mais si on se retirait à tout moment ici, les efforts fournis, on risque vraiment de les perdre. » Ce chiffre, bien en deçà des objectifs nationaux et internationaux, illustre la vulnérabilité d’un système de santé déjà sous tension. Une interruption des traitements antirétroviraux aurait des conséquences désastreuses, favorisant la résistance du virus, la recrudescence des infections et une hausse de la mortalité.
Mais quelle est la racine du problème ? La réponse est unanime : le manque de financements. Christine Sefu, secrétaire exécutive provinciale du Programme multisectoriel de lutte contre le Sida, a lancé un appel pressant. Elle plaide pour une augmentation des financements nationaux et internationaux dédiés à la santé et pour un renforcement du système par des investissements conséquents dans la riposte au Sida. Son message est clair : sans une solidarité internationale accrue et une intervention plus marquée du gouvernement congolais, les acquis seront réduits à néant.
La menace d’un retrait ou d’une réduction de l’appui international plane comme une épée de Damoclès. Pourtant, cet appui reste vital. Réagissant à ces inquiétudes, Benjamin Levi Tshizubu, coordonnateur de l’ONU-Sida dans la zone Est de la RDC, a tenté de rassurer les acteurs sur le terrain. « Nous allons toujours accompagner la partie gouvernementale pour voir dans quelle mesure nous pouvons mobiliser encore d’autres financements extérieurs mais surtout encourager la partie nationale à pouvoir renforcer la cagnotte du financement interne », a-t-il déclaré. Cette déclaration souligne le rôle crucial de la mobilisation des ressources, un levier essentiel pour éviter la rupture de prise en charge VIH dans la Tshopo.
Face à cette urgence, les autorités provinciales ont-elles les moyens de leurs ambitions ? Le représentant de l’autorité provinciale, Senold Tandia, a promis l’implication de la province dans cette dynamique. Cependant, l’absence de précisions concrètes sur la nature de cette implication ou sur des engagements budgétaires laisse planer un doute sur la capacité à endiguer la crise à court terme. La question du financement de la lutte contre le Sida en RDC se pose avec acuité : peut-on construire une réponse durable si elle dépend majoritairement de fonds externes volatiles ?
Pour les patients, cette incertitude se traduit par une angoisse au quotidien. Le traitement antirétroviral n’est pas un simple médicament ; c’est un lien avec une vie normale, une garantie de pouvoir travailler, s’occuper de sa famille et contribuer à la société. Une rupture, même temporaire, peut compromettre des années d’observance thérapeutique et briser cet équilibre fragile. Les spécialistes le rappellent : la continuité du traitement est non négociable pour maintenir une charge virale indétectable, condition sine qua non pour vivre en bonne santé et éviter la transmission du virus.
Alors, que faire pour sécuriser l’avenir de ces 14 600 personnes et améliorer la couverture globale ? La solution semble résider dans un mix équilibré. D’une part, il est impératif de maintenir et de renforcer le plaidoyer pour un financement international stable et prévisible, piloté par des structures comme le PNMLS Tshopo. D’autre part, une mobilisation interne plus forte est indispensable. Cela passe par une augmentation de la part du budget national allouée à la santé et par une meilleure intégration de la prise en charge du VIH dans les services de santé de base, les rendant ainsi plus résilients.
La célébration de la Journée mondiale Sida à Kisangani aura au moins eu le mérite de mettre une lumière crue sur un danger imminent. Elle sonne comme un rappel : la lutte contre le Sida est un marathon, pas un sprint. Les avancées, aussi significatives soient-elles, restent réversibles si la vigilance et les ressources faiblissent. L’engagement de tous – gouvernement, partenaires internationaux, société civile et communautés – est plus que jamais nécessaire pour transformer l’alerte en action et garantir que personne ne soit laissé pour compte dans la Tshopo. La pérennité du traitement antirétroviral et le renforcement du système de santé ne sont pas seulement des impératifs médicaux ; ce sont les piliers d’une réponse juste et efficace à une épidémie qui demande une attention constante.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
