L’Assemblée nationale a enfin mis à son agenda, ce lundi 1er décembre, l’examen d’une proposition de loi organique visant à réformer le fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Déposée il y a près d’un an par le député Paul Gaspard Ngondankoy, cette initiative législative, déclarée recevable, a été transmise en urgence à la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) pour un examen sous sept jours. Ce calendrier serré traduit-il une volonté politique soudaine de s’attaquer aux failles du temple du droit constitutionnel, ou simplement l’épuisement d’un délai de courtoisie parlementaire ?
Le professeur de droit constitutionnel, auteur du texte, martèle depuis des mois que la loi organique actuelle présente des lacunes qui menacent les fondements mêmes de l’institution. Rappelant que cette loi devait incarner la séparation des contentieux et renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, il constate amèrement que la pratique a révélé « plusieurs défis ». Le flou entourant la portée des décisions de la Cour constitutionnelle RDC, par exemple, complique leur exécution et, in fine, fragilise les droits des citoyens. Une situation paradoxale pour une instance censée être le gardien ultime de la norme fondamentale.
La proposition de loi organique portée par Ngondankoy se veut donc un remède à ces ambiguïtés. Elle ambitionne de doter la Cour d’un cadre « plus clair, plus cohérent et mieux adapté à ses missions ». Parmi les innovations majeures, on note une clarification des concepts fondamentaux pour éviter les interprétations divergentes, une définition renforcée du rôle de la Cour, et un durcissement des conditions de nomination des juges, avec un accent mis sur l’expertise en droit constitutionnel. Le texte entend aussi encadrer strictement le processus toujours délicat du tirage au sort pour les renouvellements partiels et préciser les effets juridiques des arrêts, pour une application conforme à la Constitution.
Cette réforme de la Cour constitutionnelle touche au cœur de l’équilibre des pouvoirs. En cherchant à définir par la loi le statut des magistrats de la Cour – et non plus par un simple règlement intérieur –, le législateur remet en jeu des prérogatives parfois jalousement gardées. Le député joue ici un jeu subtil et risqué, en tentant de consolider l’indépendance du pouvoir judiciaire par un texte qui pourrait, à l’usage, renforcer ou au contraire limiter la marge de manœuvre de la Cour face au politique. L’examen en commission sera crucial : va-t-on assister à un toilettage technique ou à un débat de fond sur l’état de notre démocratie ?
Le timing de cette relance parlementaire interroge. Après une attente de près d’une année, pourquoi activer soudainement la procédure ? La réforme de la Cour constitutionnelle, sujet éminemment technique pour le grand public, est pourtant un marqueur essentiel de la santé de l’État de droit. Son examen pourrait servir de baromètre à la volonté réelle de la majorité de renforcer les institutions contre les velléités de dérives. Ou, à l’inverse, n’être qu’un épisode de plus dans le long feuilleton des réformes inabouties. La Commission PAJ, en sept jours, devra trancher entre l’urgence d’une mise à jour nécessaire et les écueils politiques d’une réforme trop ambitieuse.
L’enjeu dépasse la simple mise à jour juridique. Il s’agit de savoir si le Parlement est prêt à doter la plus haute juridiction du pays des outils nécessaires pour exercer pleinement son rôle de contre-pouvoir. Les innovations proposées, si elles sont adoptées, pourraient significativement remodeler le paysage institutionnel congolais. Mais le chemin est semé d’embûches : chaque clarification de compétence, chaque condition renforcée pour les juges, touche à des intérêts établis et à des équilibres de pouvoir informels. La suite du processus législatif nous dira si l’ambition affichée de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire survivra aux réalités du marchandage parlementaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
