Chaque matin, au lever du soleil, Jeanne* et ses quatre enfants plient leurs maigres affaires et quittent la salle de classe qui leur sert de refuge nocturne. Leur quotidien, à l’instar de centaines d’autres familles à Mweso, dans le groupement Bashali Mokoto, est rythmé par la précarité et l’incertitude. « Quand il pleut, c’est l’horreur. Nous nous réfugions sous les auvents, mais l’eau rentre partout. Les bébés tombent malades », confie-t-elle, le regard épuisé. Cette mère fait partie des milliers de déplacés Nord-Kivu contraints de fuir les violents affrontements M23 Wazalendo qui ensanglantent les collines du Masisi et du Rutshuru.
Ces familles, hébergées dans des écoles et des églises de la localité de Mweso, survivent dans des conditions alarmantes, totalement privées d’assistance humanitaire RDC. Leur vie est un perpétuel va-et-vient. Pour permettre la tenue des cours, elles doivent évacuer les salles de classe chaque matin avec leurs effets personnels, quel que soit le temps. Cette situation crée une crise humanitaire Mweso silencieuse mais aiguë, particulièrement pour les femmes allaitantes et les enfants en bas âge, exposés aux intempéries et à un risque sanitaire croissant en cette saison des pluies.
Comment en est-on arrivé là ? Les sources locales pointent du doigt l’escalade des conflits Masisi autour du Jardin Théicole de Ngeri. Les villages de Kashanje, Bweru et Kivuye ont été le théâtre d’échauffourées récurrentes, poussant les populations à un exode précipité vers Mweso. L’Institut technique médical, l’Institut Kizito et plusieurs lieux de culte sont désormais des abris de fortune surpeuplés. Le nombre exact de personnes déplacées reste indéterminé, mais il se compterait en milliers. Une question se pose avec insistance : face à cette détresse, où sont les acteurs humanitaires ?
L’utilisation prolongée des écoles comme abris pose un autre défi, celui de l’éducation. Des dizaines d’établissements dans le territoire de Masisi hébergent des déplacés internes depuis plusieurs mois, perturbant gravement la scolarité des enfants. Les salles de classe, le jour, accueillent les élèves ; la nuit, elles deviennent le toit de familles entières. Cette cohabitation forcée est intenable sur le long terme. « Nous voulons juste la paix pour rentrer chez nous », soupire un ancien du village de Bweru, résumant l’aspiration unique de toute une communauté. Mais en attendant ce retour hypothétique, les besoins immédiats sont criants : abris décents, nourriture, soins médicaux et protection.
L’appel lancé par ces familles déplacées résonne comme un cri d’alarme dans l’indifférence générale. La crise humanitaire Mweso n’est pas une fatalité, mais le résultat tangible de l’engrenage des violences armées dans l’Est de la République Démocratique du Congo. L’absence de réponse humanitaire coordonnée aggrave chaque jour leur vulnérabilité. Les conditions d’hygiène déplorables dans ces lieux de regroupement sont une bombe à retardement sanitaire. Jusqu’à quand ces populations civiles, prises en étau entre les groupes armés, devront-elles payer le prix fort d’un conflit qu’elles n’ont pas choisi ?
La situation à Mweso met en lumière l’urgence d’une double action : une action humanitaire immédiate pour sauver des vies, et une action politique résolue pour restaurer la sécurité et permettre le retour volontaire des déplacés. Les déplacés Nord-Kivu ne demandent pas la charité, mais le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux. Leur sort est un test pour la solidarité nationale et internationale. Sans un engagement ferme en faveur de la paix dans les conflits Masisi et sans une assistance humanitaire RDC effective et rapide, le risque est de voir une crise locale se transformer en tragédie de plus grande ampleur. Le temps presse, et chaque jour passé dans la boue et la peur est un échec collectif.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
