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Naufrage à Tshikapa : 37 disparus, l’ébriété des pagayeurs suspectée dans le drame

Le silence lourd qui règne ce matin sur les berges boueuses de la rivière Luangatshimo n’est brisé que par les sanglots étouffés des familles. Les regards sont rivés sur les eaux brunâtres, agitées et impitoyables. « J’attendais mon frère et ses deux enfants. Ils devaient juste traverser », murmure une femme, le visage ruisselant de larmes, incapable d’en dire plus. Cette simple traversée entre Lovua et le bief de Nangalula s’est transformée, mercredi dernier, en un cauchemar qui hante désormais le territoire de Tshikapa, dans la province du Kasaï. Trente-sept personnes sont portées disparues, englouties par les flots après le chavirement d’une pirogue surchargée. Un nouveau drame fluvial qui vient noircir un tableau déjà bien sombre.

Selon les autorités locales, l’embarcation, qui transportait 42 âmes, a soudainement perdu de l’élan en plein milieu de la rivière. Seuls quelques miraculés ont pu regagner la rive, laissant derrière eux des dizaines de vies emportées par le courant. « Nous avons, à ce stade, 37 personnes introuvables. Nous craignons que le bilan soit encore plus lourd », confie, la voix grave, Nico Ngenza Kitambala, administrateur du territoire de Tshikapa. Les équipes de recherche, composées de courageux villageois et de quelques autorités, luttent contre une rivière « très agitée », rendant les opérations de sauvetage et de récupération des corps d’une lenteur désespérante.

Mais au-delà de la fatalité d’une rivière capricieuse, ce qui scandalise aujourd’hui, c’est la probable cause humaine de la catastrophe. Les premiers éléments de l’enquête pointent du doigt une négligence inacceptable. « Il y a de fortes suspicions d’ébriété du côté des pagayeurs », révèle l’administrateur Kitambala. Ces derniers ont d’ailleurs été immédiatement arrêtés pour besoins d’enquête. Comment en est-on arrivé là ? Comment une communauté peut-elle confier ses membres à des conducteurs dont la vigilance était potentiellement altérée ? Cette négligence présumée des pagayeurs jette une lumière crue sur l’anarchie qui règne trop souvent sur les cours d’eau congolais, transformant des trajets quotidiens en voyages sans retour.

Ce naufrage d’une pirogue à Tshikapa n’est malheureusement pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une longue liste noire qui ensanglante régulièrement les rivières de la RDC, et particulièrement du Kasaï. Quelques jours à peine avant ce drame sur la Luangatshimo, une autre embarcation, une baleinière cette fois, chavirait sur la rivière Sankuru à Ilebo, faisant de nombreuses victimes. Ces tragédies à répétition interrogent cruellement l’état du transport fluvial dans des régions où la pirogue reste souvent le seul lien entre les villages, les marchés et les centres de santé. Surcharge systématique, absence totale de gilets de sauvetage, navigation hasardeuse par tous les temps, manque de contrôle des autorités… la liste des défaillances est connue et pourtant, rien ne semble changer.

« Nous devons renforcer la discipline sur les eaux. Trop de vies se perdent dans des conditions qui auraient pu être évitées », insiste l’administrateur Nico Ngenza Kitambala. Une prise de conscience louable, mais qui sonne creux aux oreilles des familles décimées. Les promesses de mesures pour prévenir de nouveaux accidents fluviaux ont été maintes fois entendues. Sur le terrain, la réalité est tout autre : la précarité économique pousse à entasser les passagers pour maximiser le gain d’une course, et le laxisme reste la règle. Qui est vraiment responsable ? Les pagayeurs en quête de quelques francs ? Les passagers qui montent à bord en connaissant les risques ? Ou les autorités qui, malgré leurs beaux discours, ne mettent pas en place de cadre réglementaire strict et surtout, contrôlé ?

Alors que les recherches pour les disparus de Luangatshimo se poursuivent dans la douleur, une question fondamentale se pose à toute la nation : jusqu’à quand laissera-t-on les fleuves et rivières, ces artères vitales du pays, être le théâtre d’une telle hécatombe silencieuse ? L’accident de la pirogue n’est pas seulement une triste nouvelle locale ; c’est le symptôme d’un abandon plus large des zones rurales et de leurs populations. Garantir la sécurité des déplacements, même sur une modeste pirogue, c’est reconnaître la dignité et la valeur de chaque citoyen. À défaut de ponts et de routes asphaltées, ne pourrait-on au moins exiger des embarcations en bon état, des conducteurs sobres et formés, et le strict respect des règles de capacité ? Le prix de l’inaction, on le mesure aujourd’hui en vies humaines brisées sur les rives de la Luangatshimo.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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