Les voix étouffées de Kibumba résonnent enfin dans les couloirs des organisations humanitaires. Dans la localité de Kibumba, territoire de Nyiragongo, des centaines de femmes retournées après des déplacements forcés portent les séquelles invisibles de violences qui persistent dans l’ombre. Leurs récits, longtemps tus, viennent d’être portés à la lumière lors d’une table ronde organisée par Women Power DRC.
« Quand je suis revenue à Kibumba, je pensais que le pire était derrière moi. Mais l’accès aux soins de santé reproductive reste un parcours du combattant », confie une survivante de violences sexuelles dont le témoignage a été recueilli dans le livret présenté lors de la rencontre. Son histoire, comme celle de nombreuses autres femmes, met en lumière l’urgence d’une prise en charge adaptée des violences basées sur le genre Kibumba.
La coordonnatrice de Women Power DRC, Sylvie Mazambi, explique l’importance de cette démarche : « Nous avons constaté que les femmes nécessitent un renforcement de capacités ainsi qu’un appui dans les activités génératrices de revenus. Leurs témoignages montrent à quel point il est essentiel de renforcer l’information, l’accompagnement et les capacités des femmes congolaises confrontées aux violences. »
Mais comment expliquer que des localités comme Kibumba restent encore aujourd’hui les parents pauvres des interventions humanitaires ? La question plane dans l’air lors des échanges entre les différents acteurs. Plusieurs organisations internationales présentes ont reconnu avoir négligé cette zone, pourtant cruciale dans le paysage humanitaire du Nord-Kivu.
Le Protocole de Maputo, particulièrement son article 14 qui garantit l’accès à des services de santé reproductive sûrs, reste largement méconnu des premières concernées. « Beaucoup de femmes ignorent leurs droits fondamentaux en matière de santé sexuelle et reproductive Nord-Kivu », déplore une participante à la table ronde. Cette méconnaissance aggrave leur vulnérabilité et perpétue le cycle des violences.
Les femmes retournées RDC font face à une double peine : non seulement elles doivent reconstruire leur vie après un déplacement, mais elles doivent aussi composer avec les séquelles physiques et psychologiques des violences subies. Leurs témoignages survivantes violences révèlent des besoins criants en accompagnement psychosocial et en soins spécialisés.
La note de plaidoyer adressée aux partenaires, dont l’UNFPA et CARE International UK, souligne l’impérieuse nécessité de réorienter les interventions vers Kibumba. « Certains partenaires avaient déjà planifié des interventions dans d’autres zones, oubliant complètement Kibumba », constate amèrement Sylvie Mazambi.
Le Women Power DRC plaidoyer porte ainsi plusieurs revendications concrètes : renforcement des capacités des femmes, appui aux activités génératrices de revenus, et surtout, une meilleure information sur les droits en santé reproductive. Ces mesures pourraient-elles enfin briser le silence qui entoure les violences basées sur le genre dans cette région ?
La table ronde marque la clôture d’un projet de trois mois mené entre septembre et novembre 2025, mais elle ouvre surtout de nouvelles perspectives pour les femmes de Kibumba. Les échanges ont permis de dégager des stratégies concrètes pour améliorer l’accès aux services essentiels.
Alors que les 16 Jours d’activisme s’achèvent, le combat pour la dignité des femmes congolaises continue. Le chemin vers une prise en charge complète des besoins en santé sexuelle et reproductive des femmes survivantes de violences reste long, mais les premiers pas viennent d’être franchis à Kibumba.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
