La République Démocratique du Congo a opéré un virage stratégique dans sa politique minière avec la suspension temporaire des exportations de cobalt, une décision audacieuse qui commence à porter ses fruits économiques. Le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, a défendu cette mesure controversée lors d’un briefing de presse à Kinshasa, révélant une augmentation spectaculaire des prix suite à cette intervention étatique.
Comment un pays peut-il maximiser les retombées de ses ressources naturelles sans se soumettre aux aléas des marchés internationaux ? La RDC apporte une réponse concrète à travers sa récente politique de régulation du cobalt. Alors que le métal stratégique se négociait autour de 21 000 USD la tonne avant l’intervention gouvernementale, son cours a plus que doublé pour atteindre près de 50 000 USD, démontrant l’efficacité de cette approche proactive.
« Lorsque vous détenez 70 % des réserves mondiales d’une commodité, c’est votre droit le plus strict de dicter votre politique », a martelé le ministre Watum Kabamba. Cette position ferme s’inscrit dans une logique de souveraineté économique où la RDC, détentrice de la majorité des réserves mondiales de cobalt, entend désormais peser sur les équilibres géo-économiques globaux.
La suspension temporaire des exportations de cobalt, mise en œuvre par l’ARECOMS, répondait à une situation de suroffre menaçant l’équilibre des prix. « Nous étions dans une position de suroffre : il y avait plus d’offres que de demande », a expliqué le ministre, précisant que cette mesure visait à éviter un effondrement des cours qui se profilait à l’horizon.
La nouvelle architecture régulatoire instaure un système de quotas annuels sophistiqué. Pour la période octobre-décembre 2025, un volume maximal de 18 125 tonnes est autorisé, tandis que pour 2026, un plafond de 96 600 tonnes est fixé. Ce mécanisme inclut un quota de base de 87 000 tonnes réparti mensuellement et un quota stratégique de 9 600 tonnes réservé à l’ARECOMS, offrant ainsi une flexibilité nécessaire à la régulation du marché.
Certaines entreprises seront exclues de ce système, notamment celles ayant exporté moins de 100 tonnes en 2024, celles possédant une raffinerie sans exploitation minière récente, et celles dont les gisements sont épuisés. Cette sélectivité vise à concentrer les efforts sur les acteurs les plus significatifs du secteur minier congolais.
Le ministre a reconnu que cette suspension a engendré des coûts immédiats pour le trésor public, mais il a insisté sur le caractère différé plutôt que perdu de ces revenus. « Le stock est là et nous allons le vendre », a-t-il affirmé, annonçant la reprise imminente des exportations sous ce nouveau cadre régulatoire.
Cette politique de quotas d’exportation cobalt représente un changement de paradigme dans la gouvernance des ressources minières en RDC. Elle témoigne d’une volonté d’échapper à ce que le ministre décrit comme « l’irrationalité des marchés », caractérisée par « la peur de perdre de l’argent et la soif de gains excessifs ».
L’économie minière congolaise entre ainsi dans une nouvelle ère où la régulation proactive remplace la passivité face aux fluctuations internationales. Cette approche pourrait servir de modèle pour d’autres ressources stratégiques, positionnant la RDC comme un acteur mature sur l’échiquier économique mondial.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
