La colline de Kpadole, autrefois théâtre de violences intercommunautaires, respire aujourd’hui un air nouveau. Sur le site minier surnommé « la morgue » en raison des tueries qui y faisaient régulièrement couler le sang, des hommes et femmes des communautés Baguru et Sesele travaillent désormais côte à côte. Comment cette transformation presque miraculeuse a-t-elle été possible ?
« Nous avons compris que la guerre ne profite à personne », confie un ancien combattant qui préfère garder l’anonymat. Ses mains, qui tenaient autrefois des armes, extraient maintenant des pierres contenant des pépites d’or. Ce changement symbolise la métamorphose en cours dans cette partie du territoire de Djugu, en Ituri.
La société civile locale observe avec un optimisme prudent ce rapprochement entre des communautés qui s’affrontaient violemment il y a encore quelques mois. Gédéon Dino, responsable de la société civile de Baguru, ne cache pas sa satisfaction : « Les signaux sont encourageants. Les marchés recommencent à fonctionner, les champs sont à nouveau cultivés sans crainte, et surtout, ce site minier que tout le monde évitait est redevenu un lieu de travail commun. »
Ce processus de réconciliation n’est pas le fruit du hasard. Il résulte de plusieurs rencontres initiées par les autorités politico-militaires et coutumières déterminées à consolider la paix dans la région. Le rassemblement de mercredi dernier à Kpadole a marqué un tournant décisif. Notables, acteurs de la société civile, responsables des FARDC, et même représentants des groupes armés MAPI et CODECO – tous ont uni leurs voix pour sensibiliser la population à l’importance du vivre-ensemble.
Mais la route vers une paix durable dans le territoire de Djugu reste semée d’embûches. Les méfiances ancestrales peuvent-elles vraiment s’effacer en quelques semaines ? Les blessures morales et physiques infligées par des années de conflit entre Baguru et Sesele guériront-elles si rapidement ?
Début novembre, une autre rencontre significative s’est tenue à Tchomia, à une soixantaine de kilomètres de Bunia. Chefs coutumiers des deux communautés et délégués de la société civile y ont pris part activement. Chacun s’est ensuite engagé à retourner dans son entité pour encourager sa communauté à embrasser la non-violence.
Les résultats commencent à se faire sentir au-delà des sites miniers. Dans les champs, les agriculteurs des différentes communautés échangent à nouveau des conseils et partagent parfois des outils. Les femmes vont aux mêmes points d’eau sans craindre pour leur sécurité. Les enfants jouent ensemble dans les villages, ignorant les frontières invisibles que leurs aînés avaient érigées.
Pour les acteurs locaux engagés dans ce processus de paix à Djugu, le défi reste maintenant de maintenir cette dynamique positive. Comment transformer ces signaux d’apaisement en une cohabitation pacifique durable entre Baguru et Sesele ? La réponse réside peut-être dans la poursuite du dialogue et la multiplication des initiatives concrètes qui profitent équitablement à toutes les communautés.
La situation dans cette partie de l’Ituri démontre qu’even après des conflits sanglants, la réconciliation reste possible quand la volonté politique et communautaire existe. L’implication des autorités coutumières, souvent plus écoutées que les structures étatiques, s’est révélée déterminante dans ce processus de cohabitation pacifique.
Alors que le soleil se couche sur les collines de Djugu, une question demeure : cette fragile paix résistera-t-elle aux prochaines saisons sèches, traditionnellement propices aux tensions ? Seul l’engagement continu de tous les acteurs, des simples paysans aux chefs coutumiers en passant par la société civile, pourra garantir que la récente accalmie se transforme en paix définitive.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
