L’African Digital Innovation Summit 2025 à Kinshasa a servi de tribune stratégique pour le gouvernement congolais, dévoilant une ambition numérique qui se veut à la fois souveraine et inclusive. Lors du panel ministériel inaugural, la ministre d’État Raïssa Malu a tracé les contours d’une transformation digitale qui pourrait bien redéfinir le paysage éducatif congolais pour les années à venir.
Quelle stratégie la RDC adopte-t-elle pour sa transformation numérique ? La réponse semble se cristalliser autour de l’éducation, considérée comme le véritable « permis de conduire » de cette révolution technologique. La ministre de l’Éducation nationale a détaillé avec précision le Plan quinquennal 2024-2029, présenté comme la colonne vertébrale de cette métamorphose institutionnelle. Cinq piliers fondamentaux structurent cette vision : le dialogue avec les parties prenantes, le renforcement administratif, l’investissement dans la formation enseignante, la promotion de l’équité et l’intégration des TIC.
Le timing de cette annonce n’est pas anodin. Alors que le pays cherche à positionner Kinshasa comme hub régional de l’innovation numérique, le gouvernement mise sur l’enseignement à distance comme levier principal de sa stratégie. L’expérience acquise durant la crise COVID-19 a servi de catalyseur, révélant tant les potentialités que les vulnérabilités du système éducatif congolais. Le programme « Apprendre à la maison », initialement conçu pour les enfants déplacés ou vivant en zones de conflit, pourrait devenir la norme plutôt que l’exception.
Mais la véritable innovation réside peut-être dans l’approche contextualisée défendue par Raïssa Malu. Face à la tentation d’importer des solutions étrangères toutes faites, la ministre prône le développement de contenus pédagogiques adaptés aux réalités locales. Les capsules éducatives en mathématiques et sciences, conçues spécifiquement pour le contexte congolais, illustrent cette volonté d’endogénéisation du savoir numérique. Une position qui interroge : le Congo parviendra-t-il à résister à l’attraction des géants technologiques internationaux ?
La digitalisation de l’administration éducative représente un autre chantier d’envergure. L’implémentation du e-Diplôme et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour la correction de l’Examen d’État témoignent d’une modernisation accélérée. Pourtant, ces avancées techniques soulèvent des questions cruciales sur l’équité d’accès et la fracture numérique. Comment garantir que ces innovations bénéficieront également aux régions les plus reculées du pays ?
La présence conjointe des ministres Frédéric Kibassa Maliba (Économie du Numérique) et Julien Paluku (Commerce extérieur) lors de ce panel inaugural n’est pas fortuite. Elle signale une coordination interministérielle rare dans l’histoire récente du pays. Cette approche intégrée pourrait-elle enfin briser les silos administratifs qui ont longtemps entravé les réformes structurelles ?
La distinction de Raïssa Malu comme Championne Numérique 2025 par Digital Africa couronne une année de réformes ambitieuses. Mais ce trophée soulève également des attentes considérables. Le gouvernement pourra-t-il transformer cet élan en résultats tangibles pour les millions d’élèves congolais ? La décentralisation des centres de scannage et la généralisation de l’enseignement à distance constitueront des tests décisifs pour cette politique éducative numérique.
L’accent mis sur l’orientation des jeunes, particulièrement les filles, vers les filières STEM représente un pari sur l’avenir. Le Congo mise sur sa jeunesse pour porter l’innovation africaine, mais cette stratégie nécessitera des investissements substantiels dans les infrastructures et la formation. La ministre elle-même le reconnaît : « Si le numérique est l’autoroute, l’éducation en est le permis de conduire. »
Alors que l’ADIS 2025 s’achève, une question demeure : cette vision numérique survivra-t-elle aux contingences politiques et budgétaires ? La transformation digitale du système éducatif congolais s’annonce comme un chantier complexe, où les ambitions technologiques devront composer avec les réalités socio-économiques du pays. Le prochain examen, dans les faits plutôt que dans les discours, approche à grands pas.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
