La République Démocratique du Congo se trouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs internationaux en matière de gouvernance jeunesse. Felipe Paullier, le Sous-Secrétaire général de l’ONU aux affaires de la jeunesse, a choisi Kinshasa comme tribune pour délivrer un message sans équivoque : l’exclusion des jeunes des sphères décisionnelles constitue une faillite démocratique aux conséquences potentiellement déstabilisatrices.
Au sortir d’une rencontre avec la ministre congolaise de la Jeunesse, Grâce Kutino, ce haut diplomate uruguayen a dressé un constat accablant qui dépasse les frontières congolaises. « Il existe un grand écart entre la participation des jeunes et leur représentation dans les instances de prise de décision », a-t-il déclaré, soulignant l’absurdité d’un système où « 50% de la population mondiale a moins de 30 ans » mais reste marginalisée dans les arènes du pouvoir.
La question qui se pose avec une acuité particulière en RDC est la suivante : les jeunes congolais sont-ils condamnés à rester en marge des décisions qui les concernent directement ? Felipe Paullier apporte une réponse nuancée mais ferme : la solution ne sera « pas magique », mais nécessitera un « travail conjoint impliquant de nombreux acteurs ». Cette position traduit-elle une certaine lassitude de la communauté internationale face aux lenteurs congolaises en matière d’inclusion politique des jeunes ?
Le diplomate onusien insiste sur l’urgence d’« institutionnaliser la participation des jeunes » et de « reconnaître des espaces formels » où leur voix pourra peser dans les décisions. Une recommandation qui sonne comme un rappel à l’ordre pour les autorités congolaises, souvent accusées de cantonner la jeunesse à un rôle décoratif lors des grands rendez-vous politiques.
Faut-il voir dans les propos de Felipe Paullier une critique voilée du système politique congolais ? Lorsqu’il évoque la nécessité d’« ouvrir les portes pour l’intégration des jeunes à la fonction publique » et d’« éliminer les obstacles à l’accès des jeunes à la politique », le haut fonctionnaire pointe du doigt des barrières structurelles qui persistent malgré les discours officiels.
La particularité de l’intervention du représentant onusien réside dans sa reconnaissance des spécificités congolaises. En affirmant que « les solutions pour la RDC seront différentes de celles de son pays, l’Uruguay, et évidemment différentes de celles des autres pays voisins », Felipe Paullier adopte une position pragmatique qui contraste avec l’approche parfois uniformisante des institutions internationales.
Cette visite s’inscrit dans une séquence politique sensible, quelques mois seulement après les commémorations du IXe anniversaire de la Résolution 2250 du Conseil de sécurité de l’ONU. Eddy Yav, coordonnateur national du Panel d’experts de cette résolution, avait déjà sonné l’alarme en décembre 2024, encourageant « les autorités du pays à nommer des jeunes aux postes de responsabilité ». Le message commence-t-il enfin à être entendu ?
La ministre Grâce Kutino se trouve désormais en première ligne pour traduire ces recommandations en actions concrètes. Son ministère, souvent perçu comme une coquille vide par les observateurs critiques, pourra-t-il devenir le fer de lance de cette révolution silencieuse ? La balle est désormais dans le camp du gouvernement congolais, qui devra prouver que sa volonté d’associer les jeunes dépasse le stade des vœux pieux.
Les prochains mois seront déterminants pour évaluer la sincérité de l’engagement des autorités congolaises en matière de participation des jeunes aux instances décisionnelles. La communauté internationale, par la voix de Felipe Paullier, a posé ses exigences. Reste à savoir si Kinshasa saura transformer l’essai ou si, une fois de plus, les beaux discours s’évaporeront dans l’air chaud de la capitale congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
