La République Démocratique du Congo traverse-t-elle la période la plus sombre de son histoire médiatique ? Le rapport accablant publié ce samedi 22 novembre 2025 par l’organisation Journaliste en Danger (JED) dresse un constat implacable : 2 670 violations graves contre les journalistes et les médias recensées depuis 1994. Ce chiffre monumental, qui couvre trois décennies de pratiques antidémocratiques, soulève des questions fondamentales sur l’état de la démocratie congolaise.
Les violations de la liberté presse RDC documentées par JED révèlent une systématicité troublante dans les méthodes employées pour museler la parole journalistique. Le rapport détaille avec une précision chirurgicale comment les assassinats journalistes RDC, les disparitions forcées, les arrestations arbitraires et les destructions délibérées de médias constituent l’arsenal répressif déployé contre la profession. Comment expliquer que trente années de transition démocratique n’aient pas suffi à instaurer un climat propice à l’exercice du journalisme ?
La dégringolade de la RDC dans le classement mondial de la liberté de la presse – perdant dix places pour se situer au 133e rang sur 180 pays – illustre l’aggravation préoccupante de la situation. Cette régression trouve son explication dans la guerre qui ravage l’Est du pays, où l’arrivée des rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise a créé un environnement particulièrement hostile pour les professionnels des médias. Dans ces zones de conflit, la censure médias RDC atteint des niveaux inédits, avec des rebelles imposant leurs propres directives rédactionnelles et tentant même de recruter des journalistes comme communicateurs.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), institution censée protéger l’indépendance des médias, apparaît paradoxalement comme un acteur de cette répression. Ses décisions restrictives multipliées créent une double pression insoutenable pour les médias, pris en étau entre les injonctions des groupes armés et les tracasseries administratives. Cette situation pose avec acuité la question de la capacité des institutions étatiques à remplir leur mission protectrice.
Les violations journalistes Congo documentées dans le rapport JED 2025 révèlent une typologie alarmante des méthodes de répression. Les arrestations et détentions arbitraires concernent 1 011 journalistes sur la période analysée, tandis que la censure prend des formes variées : fermetures de médias, interdictions d’émissions, confiscations de matériel ou destruction pure et simple d’installations. Les violences physiques, incluant agressions, enlèvements et assassinats, complètent ce tableau d’une profession en danger permanent.
La liste des journalistes assassinés depuis les années 1990, qualifiée de « toujours ouverte » par JED, interpelle par l’impunité totale qui entoure ces crimes. Aucune enquête sérieuse n’a été menée, aucun commanditaire n’a été inquiété. Cette impunité institutionnalisée ne constitue-t-elle pas un encouragement implicite à la perpétuation de ces violations ? Le message envoyé aux potentiels auteurs de violence est pour le moins ambigu, pour ne pas dire complice.
Les témoignages recueillis sur le terrain dépeignent une réalité quotidienne cauchemardesque pour les reporters. Les menaces émanant tant des groupes armés que des proches de figures politiques illustrent la précarité extrême dans laquelle évoluent ces professionnels. Travailler dans la peur permanente est devenu la norme plutôt que l’exception, remettant en cause les fondements mêmes de l’État de droit.
Dans ce contexte d’insécurité croissante, l’appel de JED aux autorités congolaises prend une urgence particulière. La nécessité de mettre fin à l’impunité, de protéger efficacement les journalistes et d’accorder une reconnaissance nationale à ceux qui ont perdu la vie en exerçant leur métier représente le minimum démocratique acceptable. Le rapport démontre pourtant que malgré les dangers, les journalistes congolais persistent dans leur mission d’information du public, au péril de leur vie.
La communauté internationale peut-elle continuer à fermer les yeux sur cette situation ? Les partenaires de la RDC dans le processus démocratique ont-ils vraiment mesuré l’ampleur de la régression en cours ? Alors que le pays s’enfonce dans une crise multidimensionnelle, le rôle des médias comme contre-pouvoir et garant de la transparence devient plus crucial que jamais. L’étouffement progressif de la liberté de la presse ne présage rien de bon pour l’avenir démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc
