Les eaux de pluie se sont une fois de plus transformées en cauchemar pour les Kinois. La passerelle de Mombele, ce lien vital entre deux quartiers populaires, n’a pas résisté à la furie des éléments. Des images bouleversantes circulent sur les réseaux sociaux montrant cette structure effondrée, coupant net la circulation entre les quartiers Résidentiel et Mombele. Comment une ville capitale peut-elle se retrouver aussi vulnérable face à des intempéries saisonnières ?
« Nous sommes complètement isolés », témoigne Jean-Luc, habitant du quartier Mombele depuis quinze ans. « Chaque fois qu’il pleut fort, nous retenons notre souffle. Cette fois, c’est pire que d’habitude. La passerelle qui nous reliait au monde extérieur n’existe plus. » Ce récit poignant résume le calvaire vécu par des milliers de familles kinoises, prisonnières des eaux et de l’inaction.
Les inondations Kinshasa ne sont malheureusement pas un phénomène nouveau. La ville-province semble répéter les mêmes erreurs année après année. En décembre 2022, le bilan était déjà lourd : 141 personnes avaient perdu la vie. Le drame de Matadi-Kibala, où 26 personnes ont été électrocutées par un câble haute tension tombé dans un caniveau inondé, avait pourtant sonné l’alarme. Mais visiblement, les leçons n’ont pas été tirées.
La problématique des infrastructures urbaines RDC se pose avec acuité. Le système de drainage, manifestement inadapté, ne parvient plus à absorber les eaux de pluie. L’urbanisation anarchique a transformé les zones d’écoulement naturel en quartiers d’habitation précaires. La morphologie complexe de Kinshasa, entre collines et vallées, exige pourtant une planification urbaine rigoureuse que la ville semble incapable de mettre en œuvre.
Sur les marchés, la situation devient intenable. « L’eau entre dans nos boutiques, détruit nos marchandises, mais nous n’avons nulle part où aller », se désole Marie, vendeuse au marché de la Liberté. Les tentatives de relocalisation des autorités ont échoué, les nouveaux sites présentant des conditions encore plus difficiles : manque d’espace, loyers prohibitifs, accès problématique. Les commerçants préfèrent affronter les eaux que l’incertitude économique.
La gestion des catastrophes naturelles montre ses limites. Entre avril et juin 2025, environ 80 nouvelles victimes sont venues s’ajouter au triste bilan. Les sites d’hébergement temporaire ouverts à Kinkole et au stade des Martyrs apparaissent comme des solutions d’urgence plutôt que des réponses durables. Le processus d’indemnisation des sinistrés manque cruellement de transparence, laissant les familles affectées dans le désarroi le plus total.
L’urbanisation Kinshasa doit être repensée de fond en comble. L’occupation désordonnée des terres, l’absence de plan directeur et le laxisme dans l’application des normes urbaines créent une bombe à retardement. À chaque saison des pluies, c’est le même scénario catastrophe qui se répète. Jusqu’à quand les Kinois devront-ils payer de leur vie les défaillances de la gestion urbaine ?
L’effondrement de la passerelle Mombele effondrée symbolise l’état d’abandon dans lequel se trouvent de nombreux équipements publics. Ces infrastructures, censées faciliter la vie des citoyens, se transforment en pièges mortels quand elles ne sont pas entretenues. Les autorités provinciales et nationales ont beau mettre en place des cellules de crise, les actions concrètes et durables se font attendre.
Kinshasa se trouve à la croisée des chemins. La ville peut-elle continuer à grandir de façon anarchique sans se préoccuper des conséquences climatiques ? Les solutions existent pourtant : renforcement des systèmes de drainage, plan d’urbanisme cohérent, respect des zones non aedificandi, entretien régulier des infrastructures. Mais cela nécessite une volonté politique ferme et une vision à long terme.
Les récentes inondations nous rappellent une vérité essentielle : le développement urbain ne peut se faire au détriment de la sécurité des habitants. Kinshasa mérite mieux que ces drames répétitifs. La capitale congolaise a besoin d’une gouvernance proactive, capable d’anticiper plutôt que de réagir dans l’urgence. L’avenir de millions de Kinois en dépend.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
