Dans l’effervescence linguistique de Kinshasa, un phénomène culturel unique émerge, porté par la verve créative d’Eddy Malou. Le concept de Congolexicomatisation, néologisme audacieux, transcende la simple invention verbale pour devenir le manifeste d’une identité linguistique en pleine mutation. Comment une création lexicale peut-elle incarner à ce point l’âme vibrante d’une nation ?
Derrière l’apparente extravagance des termes forgés par cet artisan du langage se cache une rigueur sémantique étonnante. Chaque mot, chaque expression puise sa sève dans le terreau fertile des langues congolaises, créant un pont entre la tradition orale et la modernité francophone. La culture linguistique Kinshasa trouve en Eddy Malou son architecte le plus visionnaire, celui qui ose donner forme écrite à l’énergie foisonnante de la parole vivante.
Le dictionnaire Eddy Malou, recueil de plus de 200 néologismes, se révèle bien plus qu’un simple inventaire lexical. Il représente une cartographie sensible de l’imaginaire collectif congolais, où chaque entrée devient le reflet d’une réalité sociale, politique ou affective. Cette œuvre monumentale, publiée par l’association Les Amis d’Eddy Malou, témoigne d’un travail de longue haleine, d’une quête obstinée pour capturer l’essence mouvante de la parole en action.
Lors de la 11e édition de la Fête du Livre à l’Institut Français de Kinshasa, l’artiste a dévoilé toute la dimension pédagogique de son entreprise. La dictée géante qu’il a animée n’était pas simple exercice orthographique, mais véritable performance artistique, démonstration vivante de la vitalité du néologisme RDC. Les participants, professionnels et amateurs confondus, ont pu éprouver la puissance évocatrice de cette langue en constante régénération.
Mais au-delà de l’aspect spectaculaire, que nous révèle la Congolexicomatisation sur l’évolution des sociétés africaines contemporaines ? Elle manifeste cette capacité proprement humaine à réinventer les outils de communication, à les adapter aux réalités changeantes d’un monde en perpétuelle transformation. Eddy Malou, septuagénaire à la jeunesse d’esprit intacte, incarne cette conviction profonde : les mots ne sont pas figés, mais respirent au rythme des peuples qui les portent.
Son approche philosophique trouve un écho particulier dans le contexte postcolonial. La Congolexicomatisation représente une forme de réappropriation linguistique, d’affirmation identitaire par le détournement créatif de la langue du colonisateur. Elle témoigne de cette capacité de résilience culturelle qui caractérise les peuples ayant connu l’oppression, transformant les vestiges du passé en instruments d’émancipation.
L’engouement populaire qui entoure ce phénomène dépasse largement le cadre strictement linguistique. Il s’inscrit dans un mouvement plus large de valorisation des cultures locales, de reconnaissance de la richesse des expressions endogènes. Le succès du dictionnaire Eddy Malou auprès des jeunes générations particulièrement démontre cette soif de repères identitaires authentiques, cette recherche de ponts entre héritage traditionnel et modernité globale.
Dans le paysage culturel congolais, marqué par une créativité artistique foisonnante, la Congolexicomatisation occupe une place singulière. Elle représente cette alchimie rare où se mêlent humour et sérieux, folie apparente et profonde érudition. Eddy Malou, tel un alchimiste des mots, transforme le plomb du quotidien en or poétique, offrant à ses contemporains le miroir déformant mais fidèle de leur propre réalité.
L’avenir dira si ces néologismes survivront à leur créateur, s’ils s’inscriront durablement dans le patrimoine linguistique congolais. Mais déjà, leur existence même constitue un acte de résistance contre l’uniformisation culturelle, un plaidoyer vibrant pour la diversité des expressions humaines. La Congolexicomatisation, bien au-delà du simple phénomène médiatique, s’affirme comme le manifeste d’une identité qui refuse de se laisser définir par d’autres.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
