Le visage tuméfié par les larmes, Sarah*, 24 ans, étudiante à Kinshasa, montre les messages haineux qu’elle reçoit quotidiennement sur ses réseaux sociaux. « Depuis que j’ai posté une photo en tenue traditionnelle, je subis des insultes, des menaces et des montages photos obscènes. Ces violences numériques m’ont poussée à l’isolement », témoigne-t-elle, la voix brisée. Comme elle, des milliers de femmes congolaises sont prises au piège d’une violence silencieuse qui prolifère dans l’espace numérique.
Face à cette inquiétante montée en puissance de la violence numérique à l’égard des femmes et des filles, le ministère du Genre, Famille et Enfants lance une campagne nationale de sensibilisation. En partenariat avec l’UNFPA RDC, cette initiative cruciale s’étendra du 25 novembre au 10 décembre sur l’ensemble du territoire national. Mais pourquoi cette urgence ? Comment protéger efficacement les femmes dans cet univers virtuel devenu terrain de chasse pour les prédateurs numériques ?
Lors d’un point presse empreint d’émotion, la ministre du Genre Micheline Ombae a interpellé la jeunesse congolaise sur sa responsabilité citoyenne. « Utilisez vos téléphones pour unir et non pour diviser », a-t-elle déclaré avec fermeté, appelant à mettre fin aux discours de haine et au harcèlement en ligne qui minent la dignité des femmes congolaises. Son message résonne comme un cri d’alarme dans un pays où la digitalisation croissante s’accompagne de nouveaux périls pour les femmes.
La représentante de l’UNFPA, Ikoli Mireille, a quant à elle martelé l’impérieuse nécessité d’appliquer les lois existantes. « Nous travaillons aux côtés des autorités pour que les auteurs soient identifiés et sanctionnés conformément à la loi », a-t-elle affirmé. Cette position ferme répond à une réalité accablante : selon les dernières données de l’UNFPA RDC, plus de 460 000 cas de violences basées sur le genre ont été enregistrés entre 2021 et 2024 sur l’ensemble du territoire congolais.
La violence numérique représente aujourd’hui l’une des formes les plus insidieuses de violence genre. Comment ces campagnes de sensibilisation contre le harcèlement en ligne peuvent-elles réellement changer les mentalités ? Les femmes congolaises doivent-elles renoncer à leur présence sur les réseaux sociaux pour échapper à ces agressions virtuelles ? La protection des femmes dans l’espace numérique devient un enjeu de société majeur qui dépasse largement la simple question technologique.
Cette campagne nationale arrive à point nommé alors que les témoignages de victimes se multiplient. Des jeunes filles harcelées pour leurs opinions politiques, des femmes d’affaires discréditées par des diffamations en ligne, des étudiantes victimes de chantage à la photo intime. La violence numérique en RDC prend des visages multiples mais produit les mêmes dégâts psychologiques profonds.
La ministre Micheline Ombae insiste sur l’importance d’une prise de conscience collective. Son appel à la responsabilité des jeunes utilisateurs des réseaux sociaux s’inscrit dans une démarche préventive essentielle. Car au-delà de la répression, c’est bien une transformation des comportements qui s’impose pour en finir avec cette violence numérique qui entrave l’émancipation des femmes congolaises.
L’engagement de l’UNFPA RDC dans cette lutte contre la violence genre démontre l’urgence de la situation. L’agence onusienne appuie techniquement et financièrement cette initiative, reconnaissant que la protection des femmes sur les réseaux sociaux constitue un pilier fondamental de leur autonomisation. Mais les défis restent immenses dans un pays où l’accès à la justice pour les victimes de violences numériques demeure semé d’embûches.
Alors que la campagne se déploie sur l’ensemble du territoire national, une question cruciale se pose : comment garantir que ce message de sensibilisation atteindra les zones rurales où la violence numérique progresse également ? Comment adapter les outils de prévention à des contextes socioculturels variés ? La réussite de cette initiative dépendra de sa capacité à toucher toutes les couches de la population congolaise, au-delà des grandes villes.
Cette mobilisation contre la violence numérique envers les femmes et les filles représente un tournant dans la lutte pour l’égalité des genres en RDC. Elle témoigne d’une prise de conscience des nouvelles formes de violences qui émergent avec la digitalisation de la société. Le combat pour la protection des femmes sur les réseaux sociaux n’est pas accessoire : il conditionne leur pleine participation à la vie sociale, économique et politique du pays.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
