Kinshasa étouffe sous le poids de ses déchets. Chaque jour, la mégalopole congolaise produit près de 15 000 tonnes de déchets ménagers, créant un paysage urbain où les dépotoirs sauvages rivalisent avec les caniveaux obstrués. Une situation critique qui transforme la capitale en une véritable bombe écologique à retardement. Comment une ville de plus de 20 millions d’habitants peut-elle survivre à cette asphyxie progressive ?
Le constat est alarmant : moins de 10% des déchets kinois bénéficient d’un traitement adéquat. Cinq décennies de gestion conjoncturelle basée sur l’informel ont laissé des cicatrices profondes dans le tissu urbain. Les rivières transformées en égouts à ciel ouvert, les émissions massives de méthane qui empoisonnent l’air, et ces montagnes d’ordures qui deviennent le terrain de jeu des maladies. La nature kinoise crie à l’aide, étouffée par les résidus d’une consommation effrénée.
Face à cette urgence sanitaire et environnementale, les autorités viennent de valider un plan de gestion intégrée des déchets qui pourrait bien changer la donne. Dans le cadre du projet PASKI (Projet Assainir Kinshasa), soutenu par l’ambassade des Pays-Bas, la ville s’engage dans une transformation radicale de sa politique d’assainissement. Ce programme triennal ambitionne de faire de la gestion des déchets une véritable industrie urbaine à impact.
Les enjeux sont colossaux. Le budget alloué s’élève à 150 millions USD, couvrant la collecte et l’évacuation des déchets ménagers, le curage des caniveaux et le contrôle régalien de l’hygiène. Mais au-delà des chiffres, c’est toute une philosophie de gouvernance qui doit évoluer. Le renforcement de la coordination interinstitutionnelle et la redevabilité deviennent les piliers de cette nouvelle approche. Chaque citoyen est appelé à devenir acteur de cette révolution verte.
Melia Bossiki, conseillère principale du Gouverneur, souligne l’importance des financements multiples : subventions du pouvoir central, fonds propres de la ville, et surtout, captage des flux financiers endogènes. La création d’un cadre incitatif pour le financement participatif ouvre la voie à une implication collective sans précédent. L’objectif ? Faire de Kinshasa une ville propre d’ici 2028, quartier par quartier.
Cette vision s’inscrit dans l’initiative présidentielle « Villes assainies » portée par Félix Tshisekedi, qui place l’assainissement au même niveau que les infrastructures locales et la transformation agricole. Une ambition qui se décline concrètement dans le programme du gouverneur Daniel Bumba « Kinshasa Ezo Bonga », où l’assainissement arrive juste après la sécurité dans les priorités.
La transformation promise est double : environnementale et économique. Le projet vise à créer 50 000 emplois par million de tonnes de déchets traités, faisant de l’assainissement un secteur productif générateur de revenus. Une perspective qui pourrait redessiner le paysage économique kinois tout en sauvant l’écosystème urbain.
Mais le chemin reste semé d’embûches. Comment mobiliser une population souvent sceptique face aux promesses ? Comment garantir la pérennité des infrastructures développées ? Le ministre provincial de l’Intérieur et de la Nouvelle Citoyenneté lance un appel pressant aux Kinois pour accompagner cette initiative. Car sans l’adhésion populaire, même le plan le mieux structuré risque l’échec.
La bataille pour l’assainissement de Kinshasa ne fait que commencer. Elle oppose une ville déterminée à se réinventer contre des décennies de négligence environnementale. Le projet PASKI représente plus qu’un simple plan de gestion des déchets : c’est un pari sur l’avenir, un acte de foi dans la capacité des Kinois à transformer leur cadre de vie. L’enjeu dépasse la simple propreté des rues ; il s’agit de redonner à Kinshasa son statut de ville vivable, où nature et urbanisme coexistent en harmonie.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
