Dans un contexte de crise humanitaire persistante dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo joue une carte délicate en confiant la réouverture de l’aéroport de Goma à une coordination interministérielle. Le 67ᵉ Conseil des ministres, tenu ce vendredi 14 novembre à Kinshasa, a vu le chef de l’État formellement charger les vice-Premiers ministres de l’Intérieur, du Transport et de la Défense de travailler en synergie pour créer les conditions sécuritaires et logistiques indispensables à cette opération humanitaire.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a précisé que cette coordination devra intégrer les recommandations du Comité international de la Croix-Rouge, particulièrement en matière de protection des aéronefs, de circulation des humanitaires et de garanties de sécurité. Une feuille de route exigeante qui nécessitera un suivi rigoureux, avec des rapports d’étape réguliers transmis par la Première ministre.
La réouverture de l’aéroport de Goma représente-t-elle simplement une réponse technique à une crise humanitaire, ou s’agit-il d’un enjeu diplomatique plus large ? La décision de Kinshasa intervient en effet au lendemain de l’annonce du président français Emmanuel Macron évoquant une réouverture imminente lors de la Conférence internationale pour la paix dans la région des Grands Lacs. Coïncidence ou alignement stratégique ?
La fermeture de l’aéroport depuis la prise de la ville par les rebelles de l’AFC-M23 en janvier dernier a créé une situation humanitaire critique, perturbant profondément les flux humanitaires et économiques dans toute la région du Nord-Kivu. Le couloir humanitaire dans l’Est de la RDC, réclamé avec insistance par les organisations internationales, représente aujourd’hui un test de crédibilité pour le gouvernement congolais.
Le président Tshisekedi prend-il un risque calculé en confiant cette mission sensible à trois vice-Premiers ministres dont les portefeuilles respectifs pourraient entrer en concurrence ? La coordination des vice-Premiers ministres devra surmonter les traditionnelles rivalités administratives pour démontrer l’efficacité de l’action gouvernementale. L’établissement d’un couloir humanitaire sécurisé dans l’Est de la RDC nécessitera plus que de bonnes intentions – elle exigera une collaboration opérationnelle sans faille.
Dans cette équation complexe, la réouverture de l’aéroport de Goma apparaît comme le premier jalon d’une stratégie plus vaste visant à reprendre le contrôle de la situation dans l’Est du pays. La fermeture imposée par l’AFC-M23 avait symbolisé l’emprise des groupes armés sur les infrastructures stratégiques. Sa réouverture humanitaire pourrait inverser cette perception.
Mais au-delà des déclarations d’intention, la mise en œuvre pratique de cette coordination interministérielle constituera le véritable test. Les défis logistiques et sécuritaires restent immenses, dans une région où la présence de l’État demeure contestée. La réussite de cette opération conditionnera non seulement l’acheminement de l’aide humanitaire, mais aussi la crédibilité internationale du gouvernement Tshisekedi.
Alors que la communauté internationale observe avec attention l’évolution de la situation, la coordination des trois vice-Premiers ministres représente un pari politique dont l’échec pourrait fragiliser durablement la position de Kinshasa tant sur le plan interne qu’international. Le prochain rapport d’étape transmis à la Première ministre constituera ainsi un indicateur crucial de la capacité du gouvernement à transformer les décisions en actions concrètes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
