La surabondance devient paradoxalement un fléau pour les agriculteurs de Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. Alors que les marchés locaux regorgent de haricots fraîchement récoltés, les producteurs assistent, impuissants, à l’effondrement des cours de cette denrée alimentaire de base. Le secteur agricole congolais, pilier essentiel de l’économie locale, traverse une crise de surproduction aux conséquences économiques alarmantes.
Le constat est sans appel : le sac de haricots, qui s’échangeait à 150 dollars américains lors de la saison culturale précédente, ne vaut plus aujourd’hui que 80 dollars, voire moins selon les variétés. Cette chute vertigineuse de près de 47% du prix des haricots à Kiwanja représente un véritable séisme pour l’économie agricole de la région. Comment une récolte abondante peut-elle se transformer en cauchemar économique pour ceux qui en sont à l’origine ?
Les producteurs de Rutshuru se retrouvent pris dans l’étau d’une équation économique impossible. Les coûts de production, eux, n’ont pas connu la même décrue. Le labour des champs, le sarclage et l’achat des semences – certaines variétés atteignant des prix records de 8000 francs congolais la mesure – grèvent lourdement leur trésorerie. La production de haricots, activité traditionnellement rentable dans cette région du Nord-Kivu, devient soudainement une opération déficitaire.
Jean Claude Shukuru, habitant de Kiwanja, témoigne amèrement : « Nous avons investi des sommes considérables dans la préparation des champs et l’achat des semences. Aujourd’hui, le prix de vente ne couvre même pas nos frais de production. Comment justifier de continuer à cultiver dans ces conditions ? » Cette question résonne comme un cri d’alarme dans toute la région de Rutshuru, où la culture des haricots représente une source de revenus vitale pour des milliers de familles.
La crise des prix des haricots à Kiwanja illustre les dysfonctionnements structurels du marché agricole congolais. L’absence de mécanismes de régulation, la faible valorisation des produits locaux et les problèmes logistiques créent un environnement où l’abondance se mue en malédiction. Les acheteurs, devenus rares face à la surabondance, profitent de la situation pour imposer des conditions commerciales défavorables aux producteurs.
Au-delà de la simple question des prix, c’est tout le système de commercialisation qui montre ses limites. Les paysans dénoncent également l’utilisation de mesures non standardisées – « cuvettes de la taille de bassine ou de grosses casseroles » – qui faussent les transactions et aggravent leurs pertes. Cette pratique, courante sur les marchés locaux, prive les cultivateurs d’une rémunération équitable pour leur production.
Quelles perspectives pour l’économie agricole du Nord-Kivu ? La situation actuelle risque de déclencher un cercle vicieux : les producteurs découragés pourraient réduire leurs surfaces cultivées, créant à terme une pénurie artificielle qui ferait flamber les prix. Cette volatilité extrême des prix des haricots menace la sécurité alimentaire de toute la région et compromet les efforts de développement rural.
La crise que traverse la production de haricots à Rutshuru appelle des solutions urgentes. La mise en place de circuits de commercialisation plus transparents, le développement d’infrastructures de stockage et la promotion de la transformation locale pourraient atténuer les effets dévastateurs de la surproduction. Sans une intervention rapide des autorités et des acteurs économiques, c’est tout l’écosystème agricole du Nord-Kivu qui risque de s’effondrer, avec des conséquences dramatiques pour l’économie de la RDC.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
