La République Démocratique du Congo persiste dans son ambition de doter chaque citoyen d’une carte identité nationale RDC, un document fondamental qui fait défaut à la population depuis près de quatre décennies. Le gouvernement Tshisekedi joue-t-il son va-tout sur ce dossier symbolique, dont les retards successifs pourraient entacher durablement sa crédibilité auprès des Congolais?
Lors du récent Conseil des ministres, Jacquemain Shabani Lukoo, Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, a dévoilé les nouvelles orientations du processus identification population. Selon le compte-rendu gouvernemental, l’Office National d’Identification de la Population (ONIP) serait « à pied d’œuvre dans les préparatifs pour débuter incessamment les opérations d’identification ».
La méthode retenue suscite quelques interrogations : le recours à la « mutualisation et à la méthodologie de stratification permettant de catégoriser pour mieux collecter les données ». Une approche technocratique qui contraste avec l’urgence exprimée par les citoyens en attente de ce sésame administratif. Le ministre a toutefois apporté une précision de taille devant le Sénat : « Le processus est relancé pour la production et la délivrance, à coup sûr, de la carte d’identité dès l’année prochaine ».
L’ONIP carte biométrique constituera-t-elle enfin la réponse tant attendue à ce problème récurrent? Les autorités semblent déterminées à tourner la page des échecs passés, notamment l’annulation du contrat avec le consortium Idemia-Afinitech, jugé surfacturé à 1,2 milliard de dollars par l’Inspection Générale des Finances.
La nouvelle stratégie gouvernementale table sur une mutualisation des données existantes, particulièrement celles de la CENI. « Tous ceux qui ont été enrôlés par la CENI constitueront la première catégorie à recevoir la carte biométrique nationale », a confirmé le ministre Shabani. Cette approche pragmatique permettrait d’accélérer le processus identification population tout en réduisant les coûts, mais soulève des questions sur la protection des données personnelles.
Le calendrier dévoilé annonce le début effectif des opérations pour 2026, avec Kinshasa comme province pilote. Une feuille de route a été préparée au niveau de l’exécutif national, et l’ONIP sera prochainement doté d’un centre de traitement des données. Cependant, le ministre tempère les attentes en soulignant que « l’identification généralisée sera très coûteuse et nécessitera un personnel important à former et à rémunérer ».
Ce nouveau chapitre dans le dossier de l’identification citoyens congolais intervient alors que la population est privée de document d’identité depuis 1984. La promesse présidentielle, maintes fois reportée, a créé une attente considérable parmi les Congolais. Le gouvernement parviendra-t-il cette fois à honorer son engagement, ou assiste-t-on à un nouvel épisode dans la longue saga des tentatives avortées?
La stratégie de déploiement « province après province » et « strate après strate » témoigne d’une approche méthodique, mais le calendrier serré – avec une production annoncée pour l’année prochaine – laisse perplexe. Les contraintes logistiques, financières et techniques représentent autant de défis à surmonter dans un délai aussi court.
Alors que le pays s’achemine vers de nouveaux cycles électoraux, la mise en place d’un système fiable d’identification citoyens congolais revêt une importance cruciale. La crédibilité du processus démocratique et la modernisation de l’administration congolaise dépendent en grande partie de la réussite de ce projet. Le gouvernement a-t-il tiré les leçons des échecs passés pour enfin offrir aux Congolais ce document identité RDC tant attendu?
Les prochains mois seront déterminants pour juger de la sincérité de cette nouvelle initiative. La population congolaise, longtemps privée de ce droit fondamental, observe avec un mélange d’espoir et de scepticisme cette énième tentative. La réussite de ce projet constituerait une avancée majeure dans la construction d’un État moderne, tandis qu’un nouvel échec pourrait durablement entamer la confiance des citoyens en leurs institutions.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
