Dans la ville de Goma, sous contrôle des rebelles du M23 depuis le début de l’année 2025, les femmes journalistes naviguent dans un environnement professionnel particulièrement hostile. Comment ces professionnelles de l’information parviennent-elles à exercer leur métier dans un contexte marqué par la violence et la peur constante ? La réponse se trouve peut-être dans les initiatives de soutien psychosocial qui émergent pour les accompagner.
L’Union congolaise des femmes des médias (UCOFEM) a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant la santé mentale des femmes journalistes du Nord-Kivu. Ces dernières cumulent les facteurs de stress : témoignages directs d’atrocités, menaces répétées, stigmatisation professionnelle et pression hiérarchique constante. Cette accumulation de tensions psychologiques crée un terrain propice au développement de traumatismes profonds, comparables à un véritable syndrome de stress post-traumatique.
Face à cette situation alarmante, l’UCOFEM a organisé le 14 novembre dernier une séance de détraumatisation destinée spécifiquement aux femmes journalistes de Goma. Cette initiative répondait à un besoin urgent de prise en charge psychosociale dans une région où les conflits armés, notamment l’occupation par le groupe M23, exacerbent les vulnérabilités mentales des professionnelles des médias.
Florence Kavira, présidente provinciale de l’UCOFEM Nord-Kivu, explique l’importance cruciale de ces espaces de parole : « Il y a beaucoup de stress que les femmes vivent dans leur milieu de travail. La pression des chefs, la pression de certains collègues masculins qui ne supportent pas les consœurs… Tous ces facteurs contribuent à créer un environnement professionnel toxique pour les femmes journalistes ».
Mais qu’est-ce que le traumatisme psychologique dans ce contexte spécifique ? Imaginez un système nerveux constamment en alerte, comme un véhicule dont le moteur tournerait à plein régime en permanence. Cette hypervigilance épuise progressivement les ressources mentales et physiques des journalistes, les rendant plus vulnérables aux troubles anxieux et dépressifs.
Les bénéficiaires de cette session de soutien psychosocial ont unanimement salué l’initiative. Sylvie Mazambi, journaliste et coordonnatrice d’une ONG locale, témoigne de l’impact concret de ces interventions : « Cette séance m’a beaucoup aidée. Professionnellement, j’ai appris à mieux gérer mon équilibre. On nous a enseigné des techniques simples mais efficaces, comme prendre 20 minutes de pause où l’on consacre 15 minutes au travail et 5 minutes à soi-même pour se recentrer ».
Ces méthodes de gestion du stress, animées par des experts psychologues, permettent aux femmes journalistes de Goma de développer une meilleure résilience face aux défis quotidiens. Dans un environnement où la pression extérieure s’ajoute aux défis professionnels habituels, ces outils deviennent des bouées de sauvetage pour préserver leur santé mentale.
La situation dans le Nord-Kivu pose une question fondamentale : comment assurer la continuité du travail journalistique dans des zones de conflit sans sacrifier la santé mentale des professionnels ? L’initiative de l’UCOFEM ouvre la voie à une prise de conscience plus large sur la nécessité d’intégrer le soutien psychosocial dans les pratiques professionnelles des médias en contexte de crise.
Le traumatisme lié au conflit M23 ne se limite pas aux expériences directes de violence. Il englobe également l’exposition répétée aux récits traumatisants, la peur constante pour sa sécurité et celle de ses proches, ainsi que la difficulté à concilier vie professionnelle et personnelle dans un environnement instable.
Pour les femmes journalistes de Goma, le chemin vers la guérison reste long, mais ces premières initiatives de détraumatisation représentent un pas significatif vers une meilleure prise en charge de leur santé mentale. La reconnaissance de ces enjeux par les organisations professionnelles comme l’UCOFEM constitue un signal fort pour l’ensemble de la profession.
Alors que la situation sécuritaire reste précaire dans la région, le soutien psychosocial aux femmes des médias n’est pas un luxe, mais une nécessité absolue pour préserver leur capacité à informer les communautés dans des conditions extrêmement difficiles. La résilience de ces journalistes face à l’adversité mérite d’être saluée, tout comme les efforts pour leur offrir l’accompagnement dont elles ont besoin.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
