Une situation sanitaire alarmante se développe dans la zone de santé de Rubaya, au territoire de Masisi dans le Nord-Kivu. Depuis le mois de juin dernier, les professionnels de santé locaux observent une augmentation inquiétante de trois épidémies simultanées qui menacent la population de cette région déjà fragilisée par l’insécurité.
François Ntambara Bwenge, infirmier titulaire du centre de santé de référence de Rubaya, tire la sonnette d’alarme face à cette triple menace épidémique. « Nous faisons face à des cas de rougeole, de M-pox et de choléra qui se multiplient de façon préoccupante », explique-t-il. La rougeole particulièrement préoccupe les équipes médicales, avec une vingtaine de patients actuellement hospitalisés et de nombreux autres soignés dans la communauté par des tradipraticiens et des pharmaciens non qualifiés.
Mais pourquoi cette situation devient-elle si critique ? La réponse réside dans un ensemble de facteurs qui créent un terrain propice à la propagation des maladies. L’insuffisance des structures d’isolement, la difficulté d’accès aux patients dispersés dans les communautés et les déplacements massifs de populations fuyant les conflits armés forment un cocktail explosif pour la santé publique dans cette région.
L’organisation Médecins Sans Frontières (MSF), présente au Nord-Kivu, confirme l’ampleur de la crise. Le Dr Toussaint Chankoma, responsable médical de la rougeole au sein de MSF dans les zones de santé de Kirotshe et Katoy, détaille les mécanismes de cette propagation accélérée. « Ces déplacements constants facilitent la propagation de la rougeole d’une zone à l’autre, compliquant la maîtrise des épidémies et la garantie d’une couverture vaccinale homogène », déplore-t-il.
La mobilité des populations dans un contexte d’insécurité persistante en République Démocratique du Congo favorise en effet la diffusion rapide des maladies entre différentes régions. Comment contenir une épidémie quand les populations sont constamment en mouvement ? Cette question préoccupe au plus haut point les humanitaires sur le terrain, qui voient leurs efforts de vaccination compromise par cette instabilité chronique.
La situation clinique des patients atteints de rougeole est d’autant plus grave que de nombreuses comorbidités viennent compliquer leur prise en charge. Le Dr Chankoma souligne que « beaucoup de patients reçus dans nos structures ont des maladies associées, dont la malnutrition sévère qui représente 12% des comorbidités des cas que nous recevons ». Cette malnutrition aggrave considérablement le pronostic des malades et complexifie leur traitement.
Face à cette crise sanitaire au Nord-Kivu, les obstacles logistiques s’accumulent. L’accès à certains villages reste difficile en raison soit de l’insécurité, soit du mauvais état des routes, ce qui constitue un frein majeur à l’acheminement du matériel médical et au déploiement rapide des équipes médicales. « Des contraintes logistiques ralentissent l’arrivée des intrants médicaux dans les zones touchées, nécessitant une coordination entre plusieurs partenaires pour surmonter les difficultés d’accès », précise le médecin de MSF.
La vaccination contre la rougeole menée par MSF et d’autres partenaires en RDC se heurte ainsi à des défis multiples. Comment atteindre les populations cibles lorsque les opportunités de vaccination de masse sont compromises par les déplacements forcés ? Comment garantir une couverture vaccinale suffisante pour créer une immunité collective protectrice ?
La M-pox (anciennement variole du singe) et le choléra complètent ce tableau épidémique préoccupant à Masisi. Le choléra, maladie hydrique souvent liée au manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, trouve dans les conditions de vie précaires des populations déplacées un terrain de propagation idéal. Quant à la M-pox, sa présence ajoute une complexité supplémentaire à la réponse sanitaire déjà mise à rude épreuve.
Que faire face à cette crise sanitaire multidimensionnelle ? La réponse nécessite une approche coordonnée qui combine la vaccination, l’amélioration de l’accès aux soins, le renforcement des systèmes de surveillance épidémiologique et la sécurisation des zones d’intervention. La situation actuelle dans le Nord-Kivu rappelle cruellement l’importance des systèmes de santé résilients et l’urgence de solutions durables pour les populations affectées par les conflits.
Alors que la rougeole, le choléra et la M-pox continuent de se propager dans cette région de la RDC, la communauté humanitaire reste mobilisée, mais les défis restent immenses. La prévention, la détection précoce et la réponse rapide constituent les piliers essentiels pour limiter l’impact de ces épidémies sur des populations déjà vulnérables.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
