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Suspension pétitions RDC : Le gouvernement accusé de violer la Constitution

Dans un contexte de tension politique exacerbée, la décision du gouvernement central de suspendre les motions et pétitions au sein des assemblées provinciales soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs en République Démocratique du Congo. Cette mesure, présentée comme nécessaire pour préserver la stabilité nationale en période de conflit armé à l’Est, est-elle véritablement justifiée ou constitue-t-elle plutôt une entorse délibérée aux principes constitutionnels?

Le secrétaire général du parti Envol, Rodrigue Ramazani, dans une analyse juridique détaillée, pointe du doigt ce qu’il qualifie de « violation flagrante » de la Constitution congolaise. Selon lui, les articles 197, 198 et 200 de la Loi fondamentale garantissent explicitement le pouvoir de contrôle des assemblées provinciales sur les gouvernements provinciaux, tandis que l’article 56 consacre leur autonomie vis-à-vis du pouvoir central. La suspension des instruments de contrôle parlementaire que sont les motions et pétitions remettrait donc en cause l’essence même de l’architecture institutionnelle congolaise.

La loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 sur la libre administration des provinces vient renforcer cette lecture. Son article 4 dispose clairement que « les provinces jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs affaires dans les domaines de leurs compétences ». L’article 8 précise quant à lui que « le Gouvernement central ne peut s’immiscer dans l’exercice des compétences dévolues aux provinces que dans les cas prévus par la Constitution ». Or, la situation actuelle ne correspondrait à aucun de ces cas exceptionnels.

Le gouvernement, par la voix du ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani, justifie cette décision par la nécessité de préserver l’unité nationale face à l’agression rwandaise et à la résurgence du M23 dans l’Est de la RDC. Le ministre a déploré devant les gouverneurs des 26 provinces le non-respect des engagements pris pour garantir un fonctionnement harmonieux des institutions provinciales. Mais cette argumentation suffit-elle à contourner les garde-fous constitutionnels?

L’opposition répond par la négative. Rodrigue Ramazani souligne que seuls l’état de siège et l’état d’urgence, régulièrement proclamés conformément à l’article 85 de la Constitution, pourraient légalement justifier de telles restrictions. En l’absence de ces régimes exceptionnels, la mesure gouvernementale serait donc « dénuée de tout fondement légal » et traduirait « une volonté manifeste de museler les contre-pouvoirs ».

Cette crise institutionnelle intervient dans un contexte où les assemblées provinciales congolaises sont devenues des arènes politiques cruciales, particulièrement depuis l’émergence de l’Union sacrée de la Nation. La suspension des motions et pétitions priverait ainsi l’opposition d’un instrument essentiel pour contrôler les exécutifs provinciaux issus de la majorité présidentielle. N’assiste-t-on pas à une tentative de verrouillage du débat démocratique au niveau local?

La guerre à l’Est de la RDC, invoquée par le gouvernement pour justifier cette mesure, ne saurait selon l’opposition servir de prétexte à des restrictions des libertés institutionnelles. « La résurgence du M23 et l’occupation persistante de nos territoires ne découlent pas du contrôle parlementaire, mais bien des mauvaises décisions politiques et sécuritaires du Chef de l’Etat », affirme le secrétaire général d’Envol. Cette critique soulève une question fondamentale : la centralisation du pouvoir améliore-t-elle réellement l’efficacité de la réponse sécuritaire?

Le risque, pointé par les détracteurs de cette décision, est celui d’une transformation des institutions provinciales en « chambres d’enregistrement dociles », vidant la décentralisation de sa substance. Cette évolution remettrait en cause l’esprit même de la Constitution du 18 février 2006, qui avait consacré la RDC comme État décentralisé après des décennies de centralisme excessif.

Alors que les assemblées provinciales congolaises voient ainsi leurs prérogatives réduites, la question de l’équilibre entre sécurité nationale et respect des institutions démocratiques se pose avec acuité. Le gouvernement joue-t-il la carte de l’unité nationale ou celle de la concentration des pouvoirs? La réponse à cette interrogation déterminera l’avenir de la décentralisation congolaise et, au-delà, de la démocratie dans un pays confronté à de multiples défis sécuritaires et politiques.

Les prochains jours seront décisifs pour mesurer la résistance des institutions provinciales face à cette décision centrale. Les gouverneurs et bureaux des assemblées, sommés de choisir entre loyauté politique et respect des textes, se trouvent au cœur d’un dilemme qui dépasse largement la simple question des motions et pétitions. Il s’agit en réalité d’une bataille pour l’âme même de l’État congolais et de son modèle de gouvernance.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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