La scène politique congolaise assiste à un nouveau clivage au sein de l’opposition, où les stratégies d’alliance semblent primer sur les principes fondateurs. Le soutien de l’Union sacrée obtenu par Christian Mwando Simba en faveur de Clotilde Mutita pour le poste de rapporteur adjoint de l’Assemblée nationale révèle des fractures profondes dans le camp katumbiste.
Dans une intervention remarquée sur les réseaux sociaux, Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, a fustigé avec une virulence calculée la démarche du président du groupe parlementaire Ensemble pour la République. Le ton employé ne laisse planer aucun doute sur l’ampleur du désaccord : qualifier cette initiative de « légitimation de la fraude » et de « consécration du glissement d’un cadre institutionnel vers un cadre partisan » constitue une charge d’une rare intensité dans le paysage politique congolais.
La question fondamentale soulevée par Kamitatu dépasse la simple attribution d’un poste parlementaire. Quel message envoie-t-on lorsque l’on sollicite l’appui de ceux-là mêmes que l’on a constamment dénoncés pour fraude électorale ? La démarche de Christian Mwando Simba interroge sur la cohérence idéologique d’un parti qui s’est construit dans l’opposition au régime en place. Le porte-parole katumbiste souligne avec acuité cette contradiction : « On ne refuse pas d’être le wagon de Kabila pour devenir celui de Tshisekedi. On ne dénonce pas la fraude pour ensuite solliciter ceux qui l’ont consommée ».
Le contexte dans lequel s’inscrit cette candidature n’est pas anodin. Dominique Munongo, précédent titulaire du poste, avait démissionné dans la foulée de Vital Kamerhe, tous deux visés par une vague de pétitions. La vacance du poste offre donc un enjeu symbolique fort dans la recomposition des équilibres parlementaires. Clotilde Mutita, seule candidate retenue après le rejet des autres par le bureau de l’Assemblée nationale, se présente comme le visage d’une opposition « républicaine et constructive ». Mais cette modération affichée suffira-t-elle à apaiser les tensions internes ?
La vidéo devenue virale montrant Christian Mwando Simba au siège de l’Union sacrée, en discussion avec André Mbata, secrétaire permanent de la plateforme présidentielle, a visiblement cristallisé les frustrations. Cette image d’un responsable katumbiste sollicitant l’appui du camp présidentiel heurte la base militante qui attendait une ligne plus ferme face au pouvoir de Félix Tshisekedi.
Kamitatu rappelle avec insistance les fondamentaux du combat d’Ensemble pour la République : dénonciation d’un processus électoral « gravement entaché de fraude », restriction des libertés, arrestations arbitraires, instrumentalisation de la justice. Dans ce contexte, la démarche de Mwando Simba apparaît comme une concession stratégique difficilement acceptable pour la frange la plus radicale du parti. Le porte-parole s’interroge : « Quel signal envoyons-nous lorsque nous nous présentons au siège même de ce que nous avons dénoncé ? »
Cette crise interne soulève des questions plus larges sur l’évolution du paysage politique congolais. Assistons-nous à une normalisation des rapports entre majorité et opposition, ou à une dilution des lignes idéologiques ? La realpolitik l’emportera-t-elle sur les principes fondateurs ? La réponse à ces interrogations déterminera l’avenir d’Ensemble pour la République et, plus largement, de l’opposition congolaise.
Le président du groupe parlementaire joue manifestement une partition risquée. En misant sur l’ouverture et le dialogue institutionnel, Christian Mwando Simba prend le pari de moderniser les pratiques politiques. Mais ce pragmatisme affiché se heurte à la mémoire militante et aux ressentiments accumulés. La légitimité même de cette stratégie est remise en cause par ceux qui estiment que l’on ne peut pactiser avec un pouvoir dont on conteste la légitimité originelle.
Clotilde Mutita se trouve ainsi au cœur d’une tempête politique qui la dépasse. Son éventuelle élection au poste de rapporteur adjoint marquerait un tournant dans les relations entre la majorité présidentielle et l’opposition katumbiste. Mais à quel prix ? La crédibilité d’Ensemble pour la République sortira-t-elle renforcée ou affaiblie de cette épreuve ? L’avenir dira si cette candidature, soutenue par l’Union sacrée mais contestée en interne, constitue une avancée tactique ou une erreur stratégique.
La suite de ce feuilleton politique dépendra largement de la capacité des différentes tendances du parti à trouver un terrain d’entente. La ligne de fracture entre pragmatiques et idéologues semble plus profonde que jamais. Dans ce jeu d’échecs politique, chaque mouvement engage l’avenir de la formation de Moïse Katumbi, et au-delà, celui de l’opposition congolaise tout entière.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
