La stabilité monétaire en République Démocratique du Congo connaît un tournant historique avec l’appréciation soutenue du franc congolais, une évolution qui a mobilisé l’attention des parlementaires à l’Assemblée nationale. Comment cette dynamique inédite, après des décennies de dépréciation continue, pourrait-elle remodeler le paysage économique congolais ?
Le député John Efambe Ekamba (MLC) a interpellé le gouvernement sur cette question cruciale, provoquant une réponse détaillée du gouverneur de la Banque Centrale du Congo, André Wameso. Face à la représentation nationale, ce dernier a démontré comment l’institution monétaire a maîtrisé les équilibres macroéconomiques grâce à des instruments sophistiqués de régulation.
« Le franc congolais se stabilise autour de 2 200 à 2 300 CDF pour 1 USD depuis près de trois semaines, une performance remarquable dans un contexte régional volatile », a affirmé le gouverneur Wameso. Cette stabilité du taux de change CDF USD représente un signal fort pour les investisseurs et marque une rupture avec la spirale dépréciative qui caractérisait la monnaie nationale depuis 1998.
Le mécanisme ayant conduit à cette appréciation franc congolais repose sur une intervention stratégique de la BCC. En septembre, l’institution a procédé à une ponction de 370 milliards de francs congolais, coïncidant judicieusement avec la période des échéances fiscales. Cette synchronisation a créé une demande accrue de monnaie nationale pour le règlement des obligations fiscales, tandis que les banques commerciales ont anticipé le mouvement en ajustant leurs réserves.
« L’actualisation du taux de change appliqué au stock de la réserve obligatoire, cristallisée en monnaie nationale, a permis de retirer les excédents de liquidités à l’origine des pressions sur le marché de change », a expliqué le gouverneur. Cette mesure technique, combinée à l’effet d’anticipation des acteurs bancaires, a généré un excédent de dollars sur le marché, exerçant une pression à la baisse sur le cours de la devise américaine.
Au-delà des mécanismes techniques, André Wameso a insisté sur la nécessité d’une transformation profonde des comportements économiques. « Le rendement des dépôts à terme en franc congolais atteint 13%, contre seulement 4 à 5% pour les dépôts en dollars. Pourtant, la majorité des Congolais, y compris les députés, persistent à épargner en devises étrangères », a-t-il déploré. Cette préférence irrationnelle pour le dollar représente un frein majeur à la consolidation de la stabilité monétaire RDC.
La BCC travaille actuellement, en collaboration avec le Fonds Monétaire International, à l’élaboration de mécanismes de protection de l’épargne en franc congolais. L’objectif est clair : construire un système financier où l’épargne et le crédit s’effectuent majoritairement en monnaie nationale, réduisant ainsi la spéculation sur le marché des changes et renforçant la souveraineté monétaire.
Le gouverneur a également pointé du doigt les traumatismes historiques qui entretiennent la méfiance envers la monnaie nationale. « L’hyperinflation et la dépréciation continue depuis 1998 ont ancré dans notre subconscient collectif l’idée que le franc congolais ne peut que baisser », a-t-il analysé. Cette « psychanalyse collective » qu’il appelle de ses vœux représente un préalable essentiel à l’ancrage durable de la confiance dans la monnaie nationale.
Les perspectives restent optimistes, avec près de quatre mois de stabilité attendus d’ici décembre. Cette dynamique prolongée pourrait marquer un tournant décisif dans l’histoire monétaire congolaise, encourageant enfin les citoyens et les entreprises à adopter massivement l’épargne en franc congolais comme vecteur de richesse nationale.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
