La commune rurale d’Oïcha, chef-lieu du territoire de Beni, retrouve progressivement son animation après près de cinq jours de paralysie totale. La société civile locale a officiellement annoncé la suspension des journées « ville morte illimitée » ce samedi 8 novembre. Cette décision cruciale a été prise lors d’une assemblée générale d’évaluation convoquée par les représentants de la société civile.
Comment cette décision a-t-elle été adoptée ? Selon Darius Syahera, rapporteur de la société civile d’Oïcha, l’assemblée a procédé à un vote déterminant. Sept composantes sur dix présentes ont opté pour la reprise immédiate des activités, tandis que trois se sont opposées à cette mesure. Une majorité claire qui permet désormais aux habitants de reprendre le cours normal de leur vie.
Mais cette suspension ne signifie pas pour autant la fin des revendications. La société civile prévient déjà que de nouvelles actions seront lancées dès lundi prochain pour exiger le départ de la bourgmestre d’Oïcha. Parmi les mesures annoncées figurent un sit-in permanent au bureau communal, des klaxons à chaque passage de l’édile, ainsi que des séances de sifflets organisées matin, midi et soir.
Les établissements scolaires, fermés depuis le début du mouvement, pourront rouvrir leurs portes à partir de ce même lundi. Une nouvelle qui devrait soulager parents et élèves après cette interruption forcée des activités éducatives.
Rappelons que depuis lundi dernier, la société civile avait appelé à la suspension de toutes les activités socio-économiques et scolaires. Les revendications principales concernaient le départ de la bourgmestre de la commune, ainsi que celui des commandants de la Police Nationale Congolaise (PNC) à Oïcha et du territoire de Beni.
Malgré la levée du mot d’ordre de « ville morte », la détermination des activistes reste intacte. La société civile affirme vouloir poursuivre son combat jusqu’à l’obtention du départ des autorités visées. Une délégation pourrait même être envoyée à Kinshasa pour exercer une pression supplémentaire sur les instances compétentes.
Cette situation contraste avec la position des autorités administratives. Dès mercredi, le colonel Kaloni Shalunga Marcel, administrateur assistant du territoire de Beni, avait invité la population à reprendre le travail. Il avait assuré que les revendications de la société civile étaient à l’étude par les autorités compétentes, promettant un suivi du dossier au niveau provincial.
Pourquoi ces manifestations persistent-elles malgré les assurances des autorités ? La réponse se trouve dans le contexte sécuritaire particulièrement préoccupant qui règne à Oïcha. Située à une trentaine de kilomètres au nord de Beni, cette commune subit depuis plusieurs mois des incursions répétées de groupes armés, notamment des rebelles ADF.
Ces groupes sont responsables de multiples tueries et ont provoqué des déplacements massifs de civils. Depuis la mi-septembre, la commune fait face à une recrudescence alarmante d’actes de banditisme. Le 17 septembre, un jeune acheteur de cacao répondant au nom de Kasereka Mukirania Moïse a été tué dans le village de Cantine, dans le groupement Baswagha-Madiwe.
Plus récemment, le 28 octobre, une femme a été abattue par des hommes armés non identifiés dans la commune même. Son époux et l’un de leurs enfants ont été grièvement blessés lors de cette attaque qui a profondément marqué la population locale.
Comment expliquer cette recrudescence de violence ? Les observateurs pointent du doigt l’incapacité des forces de sécurité à contenir la menace des groupes armés. La présence des ADF dans la région reste préoccupante malgré les opérations militaires menées contre eux.
À travers ces journées de « ville morte », la société civile d’Oïcha voulait interpeller les autorités militaires et administratives sur l’urgence de la situation. L’objectif était de les pousser à prendre des mesures concrètes pour rétablir la sécurité dans cette commune du territoire de Beni.
La stratégie de la société civile évolue donc. Après la pression par la paralysie économique, place maintenant à des actions ciblées contre les autorités locales. Une approche qui pourrait s’avérer plus efficace pour maintenir la pression tout en permettant aux habitants de reprendre partiellement leurs activités.
Quelles seront les conséquences de ce changement de stratégie ? La réponse dépendra en grande partie de la réaction des autorités visées. La bourgmestre d’Oïcha, directement mise en cause, devra faire face à un harcèlement constant de la part des manifestants.
La sécurité Oïcha reste au cœur des préoccupations. Les manifestations Beni et leurs répercussions sur Oïcha illustrent la profonde crise de confiance entre la population et ses représentants. La société civile Oïcha entend bien maintenir la pression jusqu’à l’obtention de résultats concrets.
La décision de suspendre les journées ville morte Nord-Kivu témoigne d’une certaine flexibilité stratégique. Les activistes montrent qu’ils savent adapter leurs méthodes en fonction de l’évolution de la situation et des rapports de force.
Le bourgmestre Oïcha se trouve désormais dans une position délicate. Elle devra soit trouver un terrain d’entente avec la société civile, soit faire face à une opposition déterminée et organisée. Les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de cette commune en proie à l’insécurité.
La population, elle, espère surtout voir la sécurité s’améliorer rapidement. Les commerçants souhaitent reprendre leurs activités sans craindre pour leur vie, les parents veulent que leurs enfants puissent étudier en paix, et tous aspirent à une vie normale dans une région meurtrie par des années de violence.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Leur capacité à répondre aux légitimes préoccupations sécuritaires de la population déterminera l’avenir de cette crise. Une chose est certaine : la société civile a montré qu’elle ne lâcherait pas prise facilement.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
