Le gouvernement congolais persiste dans sa stratégie sécuritaire pour l’Est du pays. Une nouvelle prorogation de l’état de siège vient d’être autorisée pour les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, prolongeant ainsi pour quinze jours supplémentaires un régime d’exception qui dure depuis maintenant plus de quatre ans. Cette décision, officialisée lors de la 66ème réunion ordinaire du Conseil des ministres, maintient sous régime militaire des territoires toujours en proie à une instabilité chronique.
Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Guillaume Ngefa Atondoko, a justifié cette mesure en invoquant la persistance de ce qu’il qualifie de « guerre d’agression et d’occupation illégale menée par le Rwanda et ses supplétifs ». Un discours devenu récurrent qui soulève cependant une question fondamentale : jusqu’à quand cette stratégie sécuritaire maintiendra-t-elle ces régions sous un régime d’exception ?
Rappelons que l’état de siège trouve son fondement juridique dans l’ordonnance n°25/015 du 3 mai 2021, prise en application des articles 85, 144 et 145 de la Constitution. Le gouvernement argue que malgré « les avancées enregistrées sur le terrain », l’objectif de pacification totale demeure hors d’atteinte. Cette prorogation s’imposerait donc comme « une mesure de nécessité nationale et de légitime défense », selon les termes du ministre.
La validation par l’Assemblée nationale et le Sénat, le 29 octobre dernier, confère à cette décision une légitimité institutionnelle certaine. Les parlementaires ont ainsi entériné la vision sécuritaire du gouvernement, malgré les critiques persistantes sur l’efficacité réelle de ce dispositif. Cette approche sécuritaire dans l’Est RDC continue de diviser observateurs et acteurs politiques, certains y voyant une nécessité impérieuse, d’autres une solution temporaire devenue permanente.
La prorogation état de siège intervient dans un contexte sécuritaire toujours volatile. Les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu restent le théâtre d’affrontements réguliers entre groupes armés, malgré le déploiement massif de forces militaires et policières. Le gouvernement RDC justifie cette mesure par l’impératif de renforcer la sécurité Est RDC, mais les résultats concrets peinent à convaincre l’ensemble de la population.
Cette nouvelle extension pose inévitablement la question de l’efficacité à long terme d’une telle stratégie. Le Conseil des ministres RDC persiste dans cette voie, estimant qu’aucune alternative crédible ne peut actuellement garantir la sécurité des populations et l’autorité de l’État dans ces régions. Pourtant, certains s’interrogent : cette mesure d’exception ne risque-t-elle pas de s’installer dans la durée, devenant ainsi la norme plutôt que l’exception ?
La communication gouvernementale insiste sur la dimension défensive de cette décision, présentée comme une réponse nécessaire à l’agression extérieure. Cependant, cette justification peine à masquer les défis structurels que continue de rencontrer l’État dans ces provinces. La sécurité reste précaire, l’autorité de l’État contestée, et la population prise entre les violences des groupes armés et les restrictions liées à l’état de siège.
Alors que cette nouvelle prorogation état de siège entre en vigueur, se pose avec acuité la question de la stratégie de sortie. Le gouvernement devra bientôt expliquer comment il compte passer d’un régime d’exception à une normalisation durable de la situation sécuritaire. La crédibilité de l’action gouvernementale en matière de sécurité Est RDC se jouera dans sa capacité à définir une feuille de route claire pour lever progressivement ces mesures exceptionnelles.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
