Le centre hospitalier Ushirika de Goma, pilier essentiel du système de santé dans le Nord-Kivu, fait face à une crise humanitaire sans précédent qui menace directement la vie des populations les plus vulnérables. La suspension brutale du soutien des organisations humanitaires a créé une situation d’urgence médicale qui compromet gravement la prise en charge des victimes de violences sexuelles et des enfants souffrant de malnutrition.
Comment une structure médicale peut-elle continuer à fonctionner lorsque ses ressources vitales sont soudainement coupées ? Cette question hante quotidiennement le personnel soignant de l’hôpital Ushirika Goma, confronté à l’impossible dilemme de devoir refuser des soins essentiels à ceux qui en ont le plus besoin. Immaculée Furaha, directrice de nursing, témoigne avec une émotion palpable de cette descente aux enfers médicale.
« Avant cette rupture, nous pouvions offrir un accompagnement complet aux victimes de violences sexuelles dans le Nord-Kivu, incluant non seulement les soins médicaux mais aussi un soutien psychologique et matériel grâce aux kits de dignité. Aujourd’hui, nous devons nous contenter des soins strictement médicaux, laissant ces femmes et ces enfants dans une détresse supplémentaire », déplore-t-elle.
La situation est tout aussi alarmante pour le service nutritionnel, où la pénurie d’intrants thérapeutiques et de médicaments spécialisés met en danger la vie des enfants souffrant de malnutrition aiguë. Ces petits patients, déjà fragilisés par les conditions de vie précaires dans cette région en proie aux conflits, voient leur pronostic vital sérieusement compromis par cette rupture d’approvisionnement.
Quels sont les risques concrets pour ces populations vulnérables ? Pour les victimes de violences sexuelles, l’absence de kits de dignité et de soutien financier signifie non seulement une aggravation de leur traumatisme psychologique, mais aussi des risques accrus d’infections et de complications médicales. Sans prise en charge appropriée dans les 72 heures suivant les violences, le risque de contracter le VIH ou d’autres infections sexuellement transmissibles augmente considérablement.
Pour les enfants malnutris, la situation est tout aussi critique. La malnutrition sévère, si elle n’est pas traitée rapidement avec des aliments thérapeutiques spécialisés, peut entraîner des retards de croissance irréversibles, des déficits immunitaires graves et dans les cas les plus extrêmes, la mort. L’hôpital Ushirika Goma, qui constituait un rempart contre cette fatalité, voit aujourd’hui sa capacité d’intervention réduite comme peau de chagrin.
Le personnel soignant vit cette situation comme une double peine : impuissant face à la détresse des patients, il doit aussi composer avec l’épuisement professionnel et la frustration de ne pouvoir exercer sa mission correctement. Comment rester un soignant efficace quand les moyens fondamentaux font défaut ?
La crise humanitaire en RDC atteint ici son paroxysme, révélant la vulnérabilité d’un système de santé qui dépend trop largement de l’aide extérieure. Les autorités sanitaires locales et nationales sont interpellées avec urgence pour trouver des solutions pérennes. Des mécanismes de relance de l’accompagnement humanitaire doivent être mis en place rapidement, car chaque jour perdu se compte en vies humaines compromises.
Des initiatives diplomatiques sont espérées par les acteurs locaux pour que l’aide internationale reprenne, mais en attendant, des solutions alternatives doivent être imaginées. La mobilisation de la société civile, le renforcement des partenariats public-privé et l’optimisation des ressources disponibles pourraient constituer des pistes à explorer dans l’immédiat.
La situation critique de l’hôpital Ushirika Goma sonne comme un avertissement pour l’ensemble du système de santé congolais. Elle met en lumière la nécessité absolue de construire une résilience médicale capable de résister aux fluctuations de l’aide internationale. La santé des populations ne devrait jamais dépendre des aléas géopolitiques ou budgétaires.
En cette période de crise aiguë, la solidarité nationale et internationale doit se manifester avec force pour éviter que des décennies de progrès en matière de santé publique ne partent en fumée. L’accès aux soins pour les plus vulnérables est un droit fondamental qui ne saurait être sacrifié sur l’autel des contingences politiques ou économiques.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
