Dans la chaleur vibrante de Kananga, où les rues résonnent des échos d’une riche tradition orale, une voix nouvelle s’élève, portant l’urgence d’une renaissance littéraire. Alors que le continent célèbre la Journée de l’écrivain africain, les jeunes plumes du Kasaï-Central dressent un constat amer : comment la création peut-elle s’épanouir quand les maisons d’édition brillent par leur absence ?
L’Association des jeunes écrivains du Congo (AJECO) section du Kasaï-Central, telle une sentinelle vigilante de la littérature congolaise, a choisi ce moment symbolique pour lancer un cri du cœur. Félicien Ngalamulume Balufu, coordonnateur provincial de l’organisation, dépeint avec une lucidité douloureuse le paysage culturel de sa région. « Nous sommes en train de souffrir », confie-t-il, dans une formule qui résume le calvaire des créateurs confrontés au vide institutionnel.
Comment imaginer, en effet, qu’une province aussi riche en histoires et en talents puisse se passer de ces temples de la connaissance que sont les maisons d’édition ? Le tableau dressé par l’AJECO est celui d’un désert culturel où même les imprimeries se font rares, laissant les manuscrits s’accumuler dans l’ombre, tels des oiseaux aux ailes coupées. Cette carence infrastructurelle ne représente-t-elle pas une entrave majeure à l’éclosion des jeunes écrivains RDC ?
Pourtant, au-delà du constat d’urgence, c’est un message d’espoir et de responsabilisation que porte l’association. M. Ngalamulume lance un appel vibrant non seulement aux autorités, mais surtout à la société civile et aux passionnés de lecture. Le livre, rappelle-t-il avec une conviction touchante, demeure ce pont immémorial entre les générations, ce vecteur essentiel de transmission du savoir. Comment pourrait-on envisager l’avenir de la littérature congolaise sans ces lieux dédiés à sa conservation et à sa diffusion ?
La particularité de cet appel réside dans son refus de la résignation. « Nous ne devons pas attendre que d’autres personnes viennent implanter pour nous des maisons d’édition », insiste le coordonnateur, dans un élan de empowerment culturel. Cette prise de parole sonne comme un manifeste pour l’autonomie créative, un plaidoyer pour que les premiers concernés – les écrivains eux-mêmes – deviennent les artisans de leur propre destin éditorial. N’est-ce pas là le ferment d’une véritable révolution culturelle au cœur du Congo ?
Dans cette perspective, l’AJECO esquisse les contours d’une solidarité littéraire à construire, pierre après pierre. L’organisation encourage ses pairs à ne pas baisser les bras face aux obstacles, mais plutôt à s’organiser, à mutualiser leurs forces et leurs compétences. Et si la solution venait de cette capacité des jeunes écrivains RDC à se prendre en main, créant ainsi un modèle éditorial endogène et adapté aux réalités locales ?
Le message de l’association transcende la simple revendication pour devenir une véritable philosophie de l’action culturelle. Il s’agit ni plus ni moins de repenser la promotion livre Congo à partir des territoires, en partant des besoins concrets des créateurs et des lecteurs. Cette approche bottom-up pourrait bien constituer la clé pour déverrouiller le potentiel littéraire du Kasaï-Central, et au-delà, de toute la République Démocratique du Congo.
Alors que les mots de Félicien Ngalamulume résonnent comme un écho aux aspirations de toute une génération, une question persiste : comment transformer cet appel en réalité tangible ? La réponse se niche peut-être dans cette conviction, chevillée au corps des membres de l’AJECO, que le premier pas doit venir d’eux-mêmes. « Si nous faisons le premier pas, je crois qu’il y a d’autres personnes de bonne volonté qui pourront se lever pour nous accompagner », affirme le coordonnateur avec une foi contagieuse.
Dans ce combat pour la survie de la création littéraire, l’Association des jeunes écrivains du Congo section du Kasaï-Central apparaît ainsi comme un phare dans la nuit, rappelant que la culture n’est pas un luxe mais une nécessité vitale. Son plaidoyer pour l’émergence de maisons d’édition locales dessine les contours d’une renaissance culturelle où chaque manuscrit trouverait enfin sa voie vers la lumière, où chaque histoire pourrait contribuer à écrire le nouveau chapitre de la littérature congolaise.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
