Dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile, l’annonce de grands travaux routiers au Nord-Kivu pourrait-elle marquer un tournant décisif dans la politique de reconstruction de cette province martyre ? La rencontre entre le général-major Évariste Somo Kakule, gouverneur militaire du Nord-Kivu, et John Banza Lunda, ministre des Infrastructures et Travaux publics, semble avoir débouché sur des engagements concrets qui dépassent les habituelles promesses politiciennes.
Les échanges, qualifiés de « très fructueux » par les parties prenantes, ont principalement porté sur la problématique cruciale du désenclavement du Nord-Kivu. Le gouvernement central aurait donné des « fermes assurances » quant à l’exécution prochaine de projets d’infrastructures routières tant attendus par les populations locales. Cette annonce intervient dans un moment critique où Beni assume désormais le rôle de capitale administrative de la province, Goma et Bukavu restant sous le contrôle de la rébellion AFC/M23 soutenue par le Rwanda.
Le général-major Somo Kakule a tenu à rassurer les habitants sur la nature pérenne des chantiers à venir : « Cette fois-ci, ce n’est pas du temporaire : ce sont des travaux définitifs qui vont être exécutés. » Cette déclaration, chargée de sous-entendus politiques, semble vouloir rompre avec la tradition des réalisations éphémères qui ont souvent caractérisé les interventions étatiques dans la région.
Deux axes stratégiques ont été identifiés comme prioritaires dans ce vaste programme de désenclavement du Nord-Kivu. Le corridor économique Kasindi-Beni-Butembo, vital pour les échanges commerciaux régionaux, constitue le premier chantier d’envergure. Le deuxième projet majeur concerne la réhabilitation de l’axe Butembo-Kanyabayonga dans le cadre du projet d’appui à la connectivité et au transport (PACT 1), bénéficiant du financement de la Banque mondiale.
La question qui se pose désormais est de savoir si ces annonces traduisent une réelle volonté politique ou s’inscrivent dans la continuité des promesses non tenues qui ont ponctué l’histoire récente de la région. Le gouvernement joue certainement gros avec ce programme ambitieux, dont la réussite pourrait renforcer sa crédibilité auprès des populations du Nord-Kivu, tandis qu’un échec risquerait d’accentuer le sentiment d’abandon qui prévaut dans certaines zones encore sous contrôle gouvernemental.
Au-delà des aspects techniques, ces projets d’infrastructures routières revêtent une dimension géostratégique évidente. L’interconnexion promise avec les provinces voisines de la Tshopo, de l’Ituri, du Sud-Kivu et du Maniema pourrait modifier durablement les équilibres économiques et sécuritaires dans l’est de la République Démocratique du Congo. La réalisation effective de ces routes constituerait un signal fort de la part des autorités de Kinshasa quant à leur détermination à asseoir leur présence dans des territoires dont le contrôle échappe partiellement à l’État.
Le ministère des Infrastructures et Travaux Publics présente cette rencontre comme « une étape significative dans la relance des projets d’infrastructures au Nord-Kivu ». Reste à transformer ces engagements en réalisations tangibles, dans une province où les défis sécuritaires et logistiques pourraient constituer des obstacles majeurs à la concrétisation de ces ambitieux projets de routes et d’infrastructures.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement central, dont la capacité à honorer ses promesses sera scrutée à la fois par les populations locales et par les partenaires techniques et financiers engagés dans ces projets. Le véritable test consistera à passer des annonces médiatiques aux premiers coups de pelle, dans des délais raisonnables et avec une transparence exemplaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
