Dans l’obscurité humide d’une nuit d’Ituri, Jeanne, mère de quatre enfants, serre ses plus jeunes contre sa poitrine tandis que des gouttes d’eau glacée traversent la bâche déchirée qui leur sert de toit. « Nous dormons assis, recroquevillés les uns contre les autres pour nous réchauffer », confie-t-elle, la voix brisée par l’épuisement. Son témoignage reflète la réalité de milliers de déplacés du territoire de Djugu, confrontés à une saison des pluies particulièrement cruelle.
Comment en est-on arrivé à cette situation où des familles entières doivent affronter les intempéries sans protection digne de ce nom ? La réponse se lit dans les abris délabrés qui parsèment les sites de déplacés, vestiges d’une installation vieille de plus de trois ans. Ces bâches usées, déchirées, perméables, offrent une protection illusoire contre les éléments déchaînés.
Au site de Tché, le drame a atteint son paroxysme jeudi dernier lorsqu’un vent violent accompagné de pluies torrentielles a littéralement emporté plusieurs abris. « Nous avons passé la nuit debout, trempés jusqu’aux os, avec pour seul abri le ciel étoilé », raconte un habitant du site, le regard vide. Cette scène apocalyptique se répète dans de nombreux autres sites de la région, de Rhoe à Bayo, en passant par Gina, Fataki et Lodha.
La pneumonie chez les enfants déplacés devient une épidémie silencieuse dans ces conditions de vie précaires. Le froid nocturne, l’humidité constante et la malnutrition créent un terrain propice aux infections respiratoires. Combien d’enfants devront-ils encore souffrir avant que la situation n’évolue ? Charité Banza, président de la société civile locale, alerte : « Nous assistons à une détérioration rapide de l’état de santé des plus vulnérables. Sans intervention urgente, nous risquons de compter les morts. »
La crise humanitaire en Ituri prend des proportions alarmantes avec près de 1,5 million de déplacés répartis dans plus de soixante sites. Les conditions de vie des déplacés se dégradent de jour en jour, créant une urgence dans l’urgence. Les gestionnaires de sites, débordés et sous-équipés, lancent des appels désespérés à la communauté humanitaire.
Face à cette situation, que représentent vraiment ces chiffres ? Derrière les statistiques se cachent des êtres humains, des familles brisées par les conflits, maintenant menacées par les intempéries. Les abris délabrés ne sont-ils pas le symbole d’une attention humanitaire qui s’effiloche avec le temps ? La saison des pluies, qui s’étend d’octobre à décembre, transforme la survie en un calvaire quotidien pour ces populations déjà traumatisées.
La solidarité communautaire tente de pallier les carences, mais elle atteint ses limites. Comment expliquer qu’après trois ans, les solutions durables se fassent toujours attendre ? Les déplacés d’Ituri méritent mieux que cette existence entre deux eaux, entre deux vies, entre l’espoir et le désespoir.
Au-delà de l’urgence immédiate, c’est toute la question de la prise en charge des déplacés qui doit être repensée. Les conditions de vie des déplacés interrogent notre capacité collective à protéger les plus vulnérables. La crise humanitaire en Ituri n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un abandon progressif. Il est temps de réagir avant que le pire ne se produise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
