Les souvenirs des attaques d’août dernier hantent encore les nuits de Kavira, mère de cinq enfants. « Nous avons tout perdu en une nuit. Les cris, les flammes qui dévoraient nos maisons, la course dans l’obscurité pour sauver nos vies… », témoigne cette femme de 35 ans, les yeux embués de larmes. Comme elle, environ douze mille anciens déplacés de Nizi, dans le territoire de Djugu en Ituri, revivent aujourd’hui ces moments de terreur tout en accueillant avec un espoir mesuré l’aide humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge.
La distribution de vivres qui s’est déroulée du 28 au 31 octobre dernier dans cette localité de la chefferie de Mambisa représente bien plus qu’une simple assistance alimentaire. Pour ces familles qui ont tout perdu lors des violences armées, chaque sac de nourriture distribuée par le CICR symbolise une bouée de sauvetage dans un océan de précarité. Comment reconstruire quand on a vu sa maison réduite en cendres et ses biens pillés sous ses yeux ?
L’opération humanitaire en Ituri vise spécifiquement à couvrir les besoins alimentaires d’environ un mois pour ces personnes retournées dans leurs communautés d’origine. Mais au-delà des vivres, chaque ménage a également reçu des articles essentiels – ustensiles de cuisine, couvertures, savon – qui transforment cette aide en véritable filet de sécurité humanitaire. Cette assistance arrive à point nommé pour des populations qui tentent péniblement de se relever après avoir fui les atrocités de la guerre.
Le contexte sécuritaire reste pourtant fragile dans cette région de l’Ituri où les cycles de violence semblent se perpétuer. Depuis janvier 2025, le CICR a déjà porté assistance à plus de cent mille victimes du conflit dans la province, un chiffre qui en dit long sur l’ampleur des besoins humanitaires. L’organisation internationale étend son action bien au-delà de la simple distribution alimentaire, avec des programmes comprenant des soins médicaux, l’aménagement de points d’eau potable et la distribution de semences vivrières.
À Busiyo, Malaya et Nizi, la construction de points d’eau potable par le CICR améliore concrètement les conditions de vie des sinistrés. Ces infrastructures essentielles réduisent les risques de maladies hydriques et allègent le fardeau quotidien des femmes, souvent contraintes de parcourir de longues distances pour s’approvisionner en eau. Sur les axes Ngongo-Nyangaray, Walu-Bayana dans le territoire de Djugu, et Songolo dans celui d’Irumu, l’assistance se diversifie pour répondre aux multiples facettes de la crise humanitaire.
Mais comment assurer la pérennité de ces efforts dans un environnement toujours aussi volatile ? Le CICR poursuit parallèlement un travail de sensibilisation crucial auprès des FARDC et des groupes armés sur le respect du droit international humanitaire. Cette démarche vise à protéger les civils et à combattre les violences sexuelles, fléaux qui continuent de ravager les communautés de l’Ituri. La protection des populations reste en effet la condition sine qua non pour permettre aux déplacés de retrouver une vie normale.
La situation à Nizi reflète les défis plus larges auxquels fait face l’aide humanitaire en RDC. Entre l’urgence des distributions et la nécessité de reconstruire durablement, les organisations humanitaires doivent constamment adapter leurs interventions. Les déplacés de l’Ituri attendent plus qu’une simple assistance ponctuelle ; ils aspirent à retrouver leur dignité et à reconstruire leurs vies sur des bases solides. La distribution de vivres à Nizi constitue donc une étape nécessaire, mais insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’efforts concertés pour rétablir la sécurité et relancer l’économie locale.
Alors que le soleil se couche sur Nizi, des familles préparent leur premier repas complet depuis des semaines avec les vivres reçus. Mais derrière ce répit temporaire se cache une angoisse persistante : jusqu’à quand cette accalmie durera-t-elle ? L’assistance humanitaire en Ituri parvient à soulager les souffrances immédiates, mais elle ne saurait remplacer une solution politique durable aux conflits qui déchirent la région. La communauté internationale doit-elle se contenter de gérer les conséquences des crises, ou œuvrer résolument à en traiter les causes profondes ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
