La capitale congolaise vibre au rythme des enjeux sécuritaires régionaux alors que s’ouvre la 19e réunion des chefs d’état-major général des forces de défense des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Cette rencontre cruciale, qui rassemble les plus hauts responsables militaires de douze nations, se déroule dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Les travaux, ouverts sous la supervision du lieutenant-général Jules Banza Mwilambwe, chef d’état-major général des FARDC, s’articulent autour de plusieurs axes majeurs. L’examen détaillé de la situation sécuritaire et humanitaire dans la région constitue le point central des discussions, accompagné de l’analyse du mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu. Comment, en effet, parvenir à une stabilité durable sans des instruments de contrôle efficaces ?
La délégation congolaise, représentée par Julien Paluku Kahongya, n’a pas mâché ses mots concernant les tensions persistantes. Le lieutenant-général Mwilambwe a fermement dénoncé ce qu’il qualifie d’« agression rwandaise » dans l’est du pays, soulignant le paradoxe d’un État membre de la CIRGL participant activement à la déstabilisation d’un pays frère. Cette accusation intervient alors que la région du Kivu continue de subir des violences cycliques aux conséquences humanitaires dramatiques.
Au-delà du cas spécifique de la RDC, les participants abordent également la crise soudanaise, dont les répercussions déstabilisatrices s’étendent bien au-delà des frontières nationales. Le conflit au Soudan génère en effet des flux de réfugiés massifs qui pèsent lourdement sur les pays limitrophes, tout en créant des brèches sécuritaires exploitables par divers groupes armés. La conférence internationale sur la région des Grands Lacs peut-elle réellement ignorer ces foyers de tension interconnectés ?
La préparation du 9e Sommet des Chefs d’État, prévu à Kinshasa pour novembre 2025, représente un autre enjeu majeur de ces assises. Les chefs d’état-major doivent formuler des propositions concrètes qui seront soumises aux dirigeants politiques, dans l’objectif de renforcer la coopération sécuritaire régionale. Cette réunion s’inscrit dans la dynamique plus large du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, document fondateur de la CIRGL.
Sur le plan institutionnel, la République Démocratique du Congo se prépare activement à assumer la présidence tournante de l’organisation. Conformément à l’article 23 du Pacte, l’Angola, qui occupe actuellement ce poste, a dépassé la durée mandataire de deux ans. La passation de pouvoir s’effectuera dans un contexte où la crédibilité du mécanisme régional est mise à l’épreuve par les tensions persistantes entre certains États membres.
Créée en décembre 2006 à Nairobi, la CIRGL regroupe douze pays : l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, le Congo, la RDC, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud, le Soudan, la Tanzanie et la Zambie. Son mandat initial reconnaît le caractère transnational des conflits dans la région et la nécessité d’une approche collective pour y faire face. Pourtant, près de deux décennies après sa création, l’organisation peine toujours à imposer son autorité et à mettre en œuvre des solutions durables.
La présence des chefs d’état-major à Kinshasa témoigne néanmoins d’une volonté commune de poursuivre le dialogue, malgré les divergences. Comme l’a souligné le lieutenant-général Mwilambwe, cette mobilisation reflète un engagement en faveur de la sécurité collective. Reste à savoir si cette réunion des chefs d’état-major de la CIRGL à Kinshasa débouchera sur des actions concrètes ou si elle rejoindra la longue liste des rencontres diplomatiques aux résultats mitigés.
Alors que la RDC s’apprête à prendre les rênes de cette organisation régionale, la communauté internationale observe avec attention la capacité des pays des Grands Lacs à dépasser leurs différends pour œuvrer ensemble à la pacification de cette région stratégique du continent. Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de la CIRGL et, au-delà, pour la stabilité de toute l’Afrique centrale.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
