Dans la province éducationnelle Kasaï 2, une crise silencieuse mine le secteur de l’enseignement. Imaginez-vous devant une classe, devant transmettre le savoir à des enfants assoiffés d’apprentissage, mais l’esprit préoccupé par des préoccupations bien plus terrestres : comment nourrir sa famille, comment payer les frais scolaires de ses propres enfants ? C’est le quotidien amer que vivent actuellement des centaines d’enseignants de cette région congolaise, qui totalisent deux mois d’arriérés de salaire.
La situation, qualifiée de « préoccupante » par Félicien Lobo Muamba, président de la Fédération nationale des enseignants du Congo (FENECO), touche l’ensemble des « professionnels de la craie », qu’ils enseignent assis ou debout. Depuis septembre dernier, ces éducateurs n’ont pas perçu leur rémunération, créant une détresse palpable au sein de la communauté enseignante. Comment expliquer qu’en pleine année scolaire, ceux qui forment les futures générations se retrouvent dans une telle précarité ?
Les conséquences de cette crise salariale des enseignants en RDC dépassent largement le simple cadre financier. « Leurs enfants n’ont pas accès aux enseignements et le coût de la vie reste élevé », déplore le responsable syndical. Cette double peine frappe de plein fouet des familles entières qui voient leur dignité mise à mal. Le tableau est d’autant plus sombre que ces éducateurs, privés de leurs moyens de subsistance, ne peuvent plus « donner le meilleur d’eux-mêmes » devant leurs élèves.
La province éducationnelle Kasaï 2 se trouve ainsi confrontée à un paradoxe troublant : comment assurer la continuité pédagogique lorsque ceux qui en ont la charge sont eux-mêmes en situation de vulnérabilité ? Les salles de classe deviennent le théâtre d’un malaise grandissant, où l’enthousiasme pédagogique se heurte aux réalités économiques les plus cruelles. Cette situation interpelle sur les priorités réelles accordées à l’éducation dans cette région.
Face à cette impasse, les tentatives de dialogue avec CARITAS, la banque payeuse désignée, sont restées vaines. « Tous nos efforts pour joindre CARITAS sont restés sans succès », confirme Félicien Lobo Muamba. Cette incapacité à établir un canal de communication efficace avec l’institution financière chargée des versements ajoute une couche supplémentaire à la complexité du problème. Que cache ce silence institutionnel ?
L’appel lancé au gouvernement central revêt une urgence particulière. Le président de la FENECO insiste sur la nécessité d’une intervention rapide des autorités pour « rétablir les droits des enseignants ». Cette crise met en lumière les fragilités structurelles du système éducatif congolais et la précarité dans laquelle évoluent ceux qui en sont les piliers. Jusqu’où peut-on pousser la patience des enseignants avant que la qualité de l’éducation n’en pâtisse définitivement ?
Au-delà des simples chiffres, c’est la question de la valorisation de la profession enseignante qui est posée. Comment attirer et retenir les talents dans l’éducation si les conditions de travail continuent de se dégrader ? La crise actuelle dans la province éducationnelle Kasaï 2 sert de révélateur à des problématiques plus larges qui traversent l’ensemble du secteur éducatif congolais. Les solutions apportées aujourd’hui détermineront la qualité de l’enseignement de demain.
Alors que la nouvelle année scolaire avance, l’inquiétude grandit parmi les enseignants qui voient leurs difficultés s’accumuler. Le gouvernement parviendra-t-il à trouver une solution durable pour sortir de cette impasse ? La réponse à cette question déterminera non seulement l’avenir de centaines de familles d’enseignants, mais aussi la qualité de l’éducation dispensée à des milliers d’élèves congolais. L’enjeu dépasse largement le simple règlement d’arriérés de salaire : il touche à l’essence même du droit à l’éducation pour tous.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
