Dans l’obscurité humide d’une cellule surpeuplée de la prison urbaine de Butembo, un homme s’est éteint dans l’indifférence générale. Le lundi 3 novembre 2025, un détenu en attente de jugement a succombé à une crise d’anémie, selon les sources pénitentiaires. Son nom restera peut-être inconnu, mais sa mort révèle une réalité bien plus sombre : celle des conditions carcérales au Nord-Kivu qui transforment les prisons en mouroirs.
« L’infirmerie était vide, sans médicaments, sans équipements. Nous avons regardé impuissants son état se dégrader », confie sous anonymat un gardien de la prison. Comment en est-on arrivé à cette situation où des vies humaines s’éteignent dans l’indifférence la plus totale ? La réponse se trouve dans le délabrement avancé du système pénitentiaire congolais, particulièrement dans cette région en proie à des conflits récurrents.
Le drame de ce détenu préventif n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis deux ans, les prisons urbaines de Butembo et de Beni enregistrent régulièrement des décès similaires. Des hommes, souvent innocents jusqu’à preuve du contraire, voient leur santé se détériorer rapidement dans des cellules insalubres, sans accès aux soins médicaux de base et sans nourriture suffisante.
La situation humanitaire dans les prisons de la RDC atteint des niveaux critiques. Comment expliquer qu’en 2025, des établissements pénitentiaires manquent de l’essentiel ? Les témoignages recueillis auprès d’anciens détenus dressent un tableau alarmant : surpopulation carcérale, malnutrition endémique, absence de soins médicaux et promiscuité favorisant la propagation des maladies.
« Nous dormons à tour de rôle parce qu’il n’y a pas assez de place pour nous allonger tous en même temps », raconte Jean*, libéré récemment après dix-huit mois de détention préventive. « La nourriture arrive irrégulièrement, et quand elle arrive, elle est insuffisante. Les plus faibles tombent malades rapidement. »
La crise des prisons congolaises dépasse le simple cadre pénitentiaire. Elle interroge notre humanité collective et notre capacité à respecter la dignité fondamentale de chaque être humain, même celui qui est privé de liberté. Les conditions carcérales au Nord-Kivu reflètent-elles l’état de notre système judiciaire ? Comment peut-on envisager une réinsertion sociale lorsque la survie même n’est pas garantie ?
Les autorités provinciales se disent conscientes du problème, mais les actions concrètes se font attendre. « Nous travaillons avec des partenaires pour améliorer les conditions de détention », affirme un responsable du ministère provincial de la Justice. Pourtant, sur le terrain, peu de choses changent. L’urgence humanitaire dans les prisons RDC nécessite une mobilisation immédiate et coordonnée.
La mort de ce détenu à Butembo doit servir d’électrochoc. Elle nous rappelle que derrière les murs des prisons, des vies s’éteignent dans l’indifférence. Elle questionne notre société sur les valeurs que nous défendons et sur le traitement que nous réservons à ceux que la justice doit protéger autant que sanctionner.
Alors que la RDC aspire à renforcer son état de droit, la réforme du système pénitentiaire devient une priorité absolue. Les décès en prison ne sont pas une fatalité, mais le résultat de négligences accumulées et d’un manque criant de moyens. Il est temps d’agir avant que d’autres vies ne soient sacrifiées sur l’autel de l’indifférence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
