La République Démocratique du Congo traverse une semaine charnière. Tandis que l’est du pays continue de s’enliser dans les affrontements armés et la crise humanitaire, Kinshasa découvre l’urbanisation de la violence. De la conférence internationale de Paris aux réponses locales désordonnées, la RDC est au pied du mur : notre société risque l’acceptation de l’inacceptable. Jusqu’où tiendrons-nous face à l’accumulation des chocs et à la désunion politique ?
Les preuves de la gravité de la situation abondent. Au Nord-Kivu et en Ituri, de nouvelles attaques rebelles (M23, ADF) ont tué des civils, accentuant la spirale des déplacements : près de 44 000 nouveaux déplacés dans le Bwito cette semaine, pendant que la famine gagne du terrain et que des localités entières restent coupées du monde. L’enlisement humanitaire n’épargne aucune province, entre flambée des prix, routes coupées, écoles et hôpitaux à l’arrêt, brutalités armées et tensions grandissantes entre groupes armés et citoyens ordinaires.
Kinshasa, longtemps considérée « refuge » face aux troubles de l’Est, s’enfonce à son tour. Braquages spectaculaires, prises d’otages, opérations policières de porte à porte (« Kanga kanga ») et une population percluse de peur confirment l’émergence d’une violence urbaine multiforme. Cette dynamique, absente du récit officiel, interpelle sur l’échec global de la sécurité publique et sur la diffusion des logiques de crise jusque dans le cœur politique du pays.
Face à la détresse, la mobilisation internationale s’intensifie enfin. La conférence de Paris a permis de débloquer 1,5 milliard d’euros pour la région des Grands Lacs, tandis que l’UE et l’ONU multiplient appels et aides d’urgence. Mais le contraste reste glaçant entre l’ampleur des promesses et la profondeur du désespoir : 21 millions de Congolais en besoin immédiat d’assistance selon l’ONU, des millions de familles piégées dans l’attente ou l’errance. Ces appuis risquent d’être dilués tant qu’une gouvernance nationale forte, cohérente et redevable fait défaut.
Car à la crise de fond s’ajoutent des faiblesses internes inquiétantes : motions de censure en cascade, destitution de gouverneurs (Kwango, Tshopo, Kasaï), blocages institutionnels, exclusion de partis, et division chronique des leaders. Dans ce contexte, les réponses — qu’elles viennent du sommet ou de la base — restent trop dispersées, technocratiques ou instrumentalisées, incapables de créer une dynamique nationale de sursaut.
Collectivement, il nous faut refuser cette fragmentation silencieuse. Les événements de la semaine imposent, à tous — gouvernement, provinces, acteurs sociaux, citoyens —, une introspection décisive. Pourquoi acceptons-nous la répétition mortifère des crises ? Quand passerons-nous de la gestion de l’urgence à une refondation du vivre-ensemble ? Chacun a un rôle à jouer, à commencer par l’exigence de redevabilité et une vraie pression citoyenne pour une réforme profonde de la gouvernance et de la sécurité. Notre société dispose encore de ressources et de solidarités, mais le temps presse avant que l’habitude de la souffrance de masse ne devienne la règle. Refusons la fatalité : la RDC mérite mieux.
— La Rédaction de CongoQuotidien
