Entre les murs du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, une atmosphère particulière s’est installée ce vendredi 31 octobre, comme si l’esprit d’Andrea Camilleri lui-même avait traversé la Méditerranée pour rejoindre les terres congolaises. La clôture de la 25e édition de la Semaine de la langue italienne dans le monde s’est transformée en un vibrant hommage à l’écrivain sicilien, créateur du célèbre Commissaire Montalbano, dont on célèbre le centenaire de la naissance.
Comment une langue peut-elle devenir un pont entre deux cultures si éloignées géographiquement ? La réponse s’est dessinée tout au long de cette semaine dédiée à l’« Italofonia – lingua oltre i confini », où l’italien a démontré sa capacité à transcender les frontières pour créer des dialogues inattendus. À Kinshasa, cet événement culturel a pris une résonance particulière, mêlant la musicalité de la langue de Dante aux rythmes africains.
La soirée de clôture s’est ouverte sur les mots de l’ambassadeur d’Italie en République démocratique du Congo, Dino Sorrentino, qui a souligné avec émotion la vitalité des échanges culturels entre les deux nations. « La langue italienne n’est pas seulement un outil de communication, mais un véritable vecteur d’identité et de création », a-t-il affirmé, rappelant combien l’œuvre de Camilleri illustre cette richesse par son mélange unique d’italien et de dialecte sicilien.
Le moment le plus poignant de la soirée fut sans conteste la projection du message de la fille de l’auteur. Dans une intervention vidéo chargée d’émotion, elle a exprimé sa gratitude envers la RDC, seul pays africain à avoir célébré le centenaire de la naissance de son père. Cette reconnaissance touchante a souligné l’universalité de l’œuvre camillerienne et sa capacité à parler à toutes les humanités.
L’artiste congolais Ben Kamanda a offert au public une interprétation magistrale d’extraits des textes de l’écrivain, faisant résonner dans l’espace kinsois la prose unique de Camilleri. Sa voix, tantôt grave, tantôt enjouée, a su capturer l’essence même de l’écriture camillerienne : ce mélange si particulier de gravité et d’ironie, de réalisme et de poésie. Puis Elisabetta a entraîné l’auditoire dans un voyage sensoriel au cœur de la Sicile, évoquant avec délicatesse les paysages, les odeurs et les saveurs qui peuplent l’univers du Commissaire Montalbano.
L’hommage s’est poursuivi par une exposition retraçant le parcours littéraire de cet écrivain hors norme, né le 6 septembre 1925 à Porto Empedocle. Les panneaux, richement documentés, rappelaient le parcours exceptionnel de cet auteur qui, après des débuts modestes dans les années 1970, connaîtrait un succès planétaire dans les années 1990. Comment expliquer que les enquêtes du Commissaire Montalbano aient pu séduire des millions de lecteurs à travers le monde, de l’Europe à l’Afrique ? La réponse se niche peut-être dans cette capacité unique de Camilleri à mêler intrigue policière et chronique sociale, tout en maintenant une profonde humanité dans ses personnages.
Les lectures bilingues d’extraits de ses œuvres ont permis aux francophones de découvrir la richesse de sa langue, tandis que l’accompagnement musical inspiré du thème de Montalbano créait une atmosphère envoûtante, comme si l’esprit de la Sicile avait momentanément investi l’espace kinsois. La soirée s’est achevée dans la convivialité d’un cocktail, où les conversations allaient bon train, mêlant réflexions littéraires et échanges sur la place de la culture italienne en RDC.
Cette célébration de la Semaine de la langue italienne à Kinshasa aura démontré, s’il en était encore besoin, que la littérature véritablement grande ignore les frontières. L’hommage à Andrea Camilleri en terre congolaise témoigne de cette universalité des œuvres qui, tout en étant profondément ancrées dans leur terroir d’origine, parviennent à parler au monde entier. La RDC, en étant le seul pays africain à rendre cet hommage, affirme sa place dans le concert des nations qui célèbrent la création littéraire dans ce qu’elle a de plus noble.
Entre les lignes de Camilleri et l’accueil chaleureux de Kinshasa, c’est tout un dialogue des cultures qui s’est instauré, prouvant que la langue italienne, comme la littérature congolaise, participe de cette grande conversation humaine qui dépasse les frontières géographiques et linguistiques. La clôture de cette 25e édition laisse dans son sillage une certitude : l’héritage de Camilleri continuera d’inspirer et de rassembler, au-delà des mers et des générations.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
