Le pouvoir central joue-t-il une partie d’échecs politique avec les institutions provinciales du Kasaï-Oriental ? La question se pose avec acuité après le report sine die de la plénière cruciale de l’Assemblée provinciale, intervenu dans des circonstances pour le moins troublantes. Ce vendredi devait marquer un tournant décisif dans la vie politique de la province, mais le télégramme du vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur est venu bouleverser l’agenda parlementaire local.
La convocation « toute affaire cessante » du président de l’assemblée provinciale à Kinshasa soulève des interrogations légitimes sur l’autonomie des institutions décentralisées. Ce déplacement impératif intervient à un moment particulièrement sensible, alors que l’hémicycle provincial s’apprêtait à examiner une motion de défiance contre le gouverneur de province. Sept députés provinciaux accusent le chef de l’exécutif provincial d’avoir détourné trois millions de dollars américains, des fonds transférés par Kinshasa pour financer des projets à impact visible dans le Kasaï-Oriental.
La stratégie du gouvernement central apparaît-elle comme une manœuvre de protection du gouverneur en difficulté ? Les circonstances du report alimentent les spéculations dans les couloirs politiques de Mbuji-Mayi. Le timing de cette convocation soulève inévitablement la question de l’indépendance des processus démocratiques locaux face aux influences de la capitale.
Au-delà de la motion de défiance principale, l’assemblée devait également se pencher sur une autre controverse interne : des députés non-signataires réclamaient le limogeage de quatre membres du bureau de l’assemblée ayant soutenu la démarche contre le gouverneur. Ces élus estiment la motion sans objet, arguant que la Cour constitutionnelle s’était déjà prononcée sur ce dossier en septembre dernier. Cette division au sein de l’institution législative provinciale révèle des fractures politiques profondes.
La tension politique avait atteint son paroxysme dès la veille de la plénière avortée. Jeudi soir, un groupe de manifestants en colère a vandalisé les bâtiments de l’assemblée provinciale pour dénoncer cette nouvelle motion de défiance, toujours liée au détournement présumé des 3 millions USD. Ces incidents illustrent la polarisation extrême de l’opinion publique sur ce dossier sensible.
Dans ce climat inflammable, la fédération locale de l’UDPS à Mbuji-Mayi a appelé ses membres à une marche de protestation ce vendredi 31 octobre, avec pour point de chute l’Assemblée provinciale, afin d’exiger le retrait de la motion contre le gouverneur. Cette mobilisation partisane ajoute une dimension supplémentaire à la crise institutionnelle en cours.
Les députés signataires de la motion, quant à eux, affirment vivre dans un climat d’insécurité persistante, une situation qui interroge sur l’état de la démocratie locale et la liberté d’expression des élus. Leur détermination à poursuivre la procédure malgré les pressions témoigne de la gravité des accusations portées contre le gouverneur.
Le report de la plénière soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs entre Kinshasa et les provinces. Le gouvernement central envoie-t-il un signal inquiétant sur sa conception de la décentralisation ? La gestion de cette crise politique pourrait constituer un précédent déterminant pour les futures relations entre le pouvoir central et les institutions provinciales.
L’enjeu dépasse largement le simple cas du Kasaï-Oriental. C’est la crédibilité du processus de décentralisation, pierre angulaire de la réforme de l’État en République Démocratique du Congo, qui se joue dans cette affaire. Les prochains jours révèleront si le pouvoir central entend respecter l’autonomie des institutions provinciales ou s’il privilégie une approche plus centralisatrice de la gestion des crises politiques locales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
