Le marché de Kisangani, capitale de la province de la Tshopo, traverse une crise inflationniste sans précédent qui frappe de plein fouet le pouvoir d’achat des ménages. La flambée des prix des produits agricoles, observée depuis plusieurs jours, révèle une réalité économique alarmante : l’état déplorable de la route nationale n°4, artère vitale pour l’approvisionnement de la région.
Comment une route peut-elle à ce point désorganiser l’économie locale ? La réponse se trouve dans les chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Un panier d’oignons a connu une augmentation vertigineuse de 300%, passant de 2 000 à 8 000 francs congolais. Les pommes de terre, aliment de base pour de nombreuses familles, affichent désormais des prix variant entre 5 000 et 6 000 FC, contre 3 000 FC auparavant. Quant aux choux, leur prix a quadruplé, passant de 2 000 à 8 000 FC.
Cette hausse des prix à Kisangani trouve son origine dans l’impraticabilité de la route nationale 4, particulièrement dans sa portion relevant de la Tshopo. Un conducteur de véhicule, témoin direct de cette situation, confirme : « La route est impraticable uniquement dans la partie relevant de la Tshopo ». Cette déclaration met en lumière le caractère localisé du problème, mais aux conséquences économiques régionales.
L’analyse économique de cette situation révèle un mécanisme classique de l’inflation alimentaire en RDC : la rupture des chaînes d’approvisionnement. La route nationale 4 constitue le principal corridor pour l’acheminement des denrées alimentaires en provenance de l’Ituri et du Grand-Nord. Haricots, oignons, ails et poissons salés – autant de produits essentiels qui parviennent difficilement au marché de Kisangani, créant une rareté artificielle qui tire les prix vers le haut.
Le temps de transport, facteur déterminant dans la formation des prix, a considérablement augmenté. Notre source parmi les transporteurs précise : « De Butembo à Kisangani, si la route est bonne, c’est une affaire de deux à trois jours ». Or, dans les conditions actuelles, ce trajet prend beaucoup plus de temps, augmentant les coûts de transport qui se répercutent inévitablement sur les prix finaux.
La question des taxes illégales représente un autre facteur aggravant de cette hausse des prix. Notre interlocuteur souligne avec justesse : « Si les taxes ne sont pas prélevées, n’est-ce pas que les prix seront abordables ? ». Cette interrogation rhétorique pointe du doigt un mal endémique qui frappe le commerce en République Démocratique du Congo : la multiplicité des barrières fiscales illégales qui grèvent le coût des marchandises.
L’impact de cette situation sur l’économie de la Tshopo est multiple. D’abord, le pouvoir d’achat des consommateurs s’érode dangereusement, les obligeant soit à réduire leur consommation, soit à se reporter sur des produits de substitution de qualité inférieure. Ensuite, les commerçants voient leurs marges se réduire en raison de l’augmentation des coûts d’approvisionnement. Enfin, cette crise met en lumière la vulnérabilité du système d’approvisionnement de Kisangani, trop dépendant d’une seule voie d’accès.
Quelles solutions envisager face à cette crise des produits agricoles ? La réhabilitation de la route nationale 4 apparaît comme une priorité absolue. Mais au-delà des travaux de maintenance, c’est tout le système de gouvernance des infrastructures routières qui doit être repensé. La suppression des taxes illégales, l’amélioration de la sécurité le long de cet axe et la mise en place de mécanismes de maintenance préventive constituent des mesures urgentes.
La route nationale 4, bien plus qu’une simple voie de circulation, représente un enjeu économique stratégique pour toute la région orientale de la RDC. Son état actuel compromet non seulement la stabilité des prix mais aussi le développement économique de toute une région. Les populations de Kisangani et de la Tshopo attendent des autorités une intervention rapide et efficace pour désengorger cette artère économique vitale.
À plus long terme, cette crise soulève la question de la diversification des sources d’approvisionnement et du développement de la production locale. La dépendance excessive vis-à-vis des régions voisines rend l’économie de Kisangani vulnérable aux aléas infrastructurels. Le développement de l’agriculture locale pourrait constituer une solution structurelle à ces crises récurrentes des prix.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
