La problématique de l’insalubrité à Kinshasa atteint un seuil critique alors que s’ouvre le Forum économique pour l’assainissement durable, une initiative soutenue par l’ambassade des Pays-Bas en République Démocratique du Congo. Comment une capitale économique peut-elle prospérer dans un environnement où les déchets deviennent un frein structurel au développement ? Cette question cruciale mobilise pendant trois jours acteurs étatiques et non étatiques déterminés à transformer l’assainissement urbain en véritable levier de croissance.
Le diagnostic dressé par Laurent Muzemba, directeur général du FOGEC Congo, sonne comme un électrochoc : « Moi, je suis Kinois, je vis à Kinshasa. Mais comment peut-on avoir une ville aussi sale ? ». Cette interrogation reflète l’urgence d’une situation qui dépasse la simple question esthétique pour toucher à l’essence même du développement économique. L’insalubrité chronique représente un frein majeur aux investissements et à la productivité, avec des coûts sanitaires et environnementaux qui grèvent le budget national.
L’approche néerlandaise, présentée par l’ambassadrice adjointe Jennyfer Imperator, insiste sur la responsabilisation des acteurs locaux : « L’assainissement, concrètement, c’est vous. C’est vous qui allez créer des partenariats, concevoir des projets ». Cette vision place les entrepreneurs et la société civile congolaise au cœur du dispositif, transformant le défi de l’assainissement en opportunité économique. Le forum économique assainissement se positionne ainsi comme catalyseur d’une nouvelle dynamique entrepreneuriale dans la gestion des déchets.
La dimension économique de l’assainissement urbain en RDC prend une dimension stratégique avec l’intervention de Jessica Webe de UN Global Compact, pour qui « repenser l’assainissement comme levier de développement, d’emploi et de dignité » ouvre des perspectives de création de valeur ajoutée considérable. Les modèles économiques circulaires autour de la valorisation des déchets pourraient générer des milliers d’emplois tout en résolvant une partie des défis environnementaux.
Sur le terrain, des avancées concrètes se dessinent avec la récupération du site d’enfouissement des déchets de Mpasa, un jalon important dans la restructuration de la chaîne de valeur des déchets à Kinshasa. L’arrivée de 100 camions sur les 300 commandés par le gouvernement provincial matérialise la volonté politique d’accompagner cette transition. Ces équipements constituent l’infrastructure minimale nécessaire pour traiter les 9 000 tonnes de déchets produits quotidiennement dans la capitale.
La représentante de la ville de Kinshasa, Melia Bosiki, souligne cependant que la technologie et les infrastructures ne suffiront pas sans une révolution des mentalités : « Nous devons tous changer de mentalité. Si tu finis de boire ta bouteille d’eau et qu’il n’y a pas de poubelle, mets-la dans ton sac ». Cette prise de conscience individuelle doit s’accompagner d’un cadre réglementaire incitatif et de mécanismes économiques favorisant l’émergence d’entreprises spécialisées dans la gestion des déchets.
Le forum économique pour l’assainissement durable représente donc bien plus qu’un simple événement diplomatique. Il s’agit d’une plateforme stratégique où se construisent les partenariats public-privé indispensables à la transformation écologique de Kinshasa. Les engagements pris durant ces trois jours pourraient déterminer l’attractivité économique de la RDC pour la décennie à venir, l’assainissement urbain devenant un critère déterminant dans les décisions d’investissement international.
À moyen terme, la valorisation des déchets de Mpasa et la modernisation de la collecte pourraient générer des retombées économiques significatives, créant une filière structurée depuis la collecte jusqu’au recyclage. Cette approche systémique, combinant infrastructures, régulation et entrepreneuriat, offre la promesse d’une Kinshasa où l’assainissement n’est plus une charge mais un actif économique, social et environnemental.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
