Le stade s’apprête à vibrer à nouveau. Dans la mémoire collective, les échos de cette nuit mythique résonnent encore. Il y a cinquante et un ans jour pour jour, Kinshasa devenait le centre du monde, le théâtre d’un combat du siècle en RDC qui allait marquer à jamais l’histoire de la boxe mondiale. Retour sur un événement hors norme qui continue de fasciner les générations.
Qui aurait pu imaginer que le Rumble in the Jungle deviendrait un tel phénomène planétaire ? Le 30 octobre 1974, sous un ciel congolais chargé d’émotions, deux géants s’affrontaient pour la ceinture mondiale des poids lourds. D’un côté, Muhammad Ali, le poète de la boxe, de l’autre George Foreman, le frappeur impitoyable. Leur affrontement allait bien au-delà d’un simple combat de boxe – c’était devenu un symbole, un moment d’unité nationale, une vitrine internationale pour le Zaïre de Mobutu.
Comment oublier cette ambiance électrique qui régnait dans Kinshasa ? La capitale s’était parée de ses plus beaux atours pour accueillir l’événement. Des semaines avant le combat, la ville vibrait au rythme des préparatifs. James Brown faisait danser les foules, Clint Eastwood observait la scène, et le monde entier avait les yeux braqués sur cette nation africaine qui osait défier les conventions. Le combat de boxe à Kinshasa en 1974 n’était plus un simple match – c’était un statement, une affirmation de la capacité africaine à organiser des événements mondiaux.
L’histoire aurait pu s’arrêter là quand Foreman se blessa à l’arcade sourcilière lors des entraînements. Mais non, le destin en avait décidé autrement. Le report au 30 octobre ne fit qu’ajouter au suspense. Pendant ce délai, Ali conquit le cœur des Congolais. Ses déclarations résonnaient dans toute la ville : « Je suis citoyen américain, jamais le Président des États-Unis ne m’a fait cet honneur de me recevoir ». Le peuple répondait par ce cri devenu légendaire : « Ali boma ye ! »
La nuit du combat, près de 100 000 spectateurs se pressaient au stade Père Raphaël de la Kethule. L’air était chargé d’une tension palpable. Chaque round voyait s’affronter deux philosophies de combat opposées. Et puis vint le huitième round, ce moment où Ali délivra son coup de génie – la fameuse « rope-a-dope ». Foreman, épuisé par ses propres attaques, s’effondra. La reconquête était complète, la légende était née.
Cinquante et un ans plus tard, que reste-t-il de ces héros ? Mobutu, l’organisateur visionnaire, nous a quittés en 1997. Muhammad Ali, le vainqueur flamboyant, s’est éteint en 2016. George Foreman, le prédicateur converti, nous a quitté récemment, en mars 2025. Il ne reste qu’un seul survivant parmi les grands acteurs de ce combat du siècle en RDC : Don King, l’impresario génial, aujourd’hui âgé de 94 ans.
Le stade lui-même raconte une histoire de résilience. Après des années de délabrement, il a connu une renaissance à l’occasion des Jeux de la Francophonie sous l’impulsion du président Félix Tshisekedi. Comme si l’histoire voulait préserver ce lieu sacré de la boxe mondiale. Khaliah Ali, fille du grand champion, avait tenu à visiter ces lieux en 2009, perpétuant ainsi le lien entre les générations.
Quelle leçon retenir de cet anniversaire du Rumble in the Jungle ? Peut-être que les grands événements sportifs transcendent le sport lui-même. Ils deviennent des moments d’unité nationale, des vitrines culturelles, des pages d’histoire. Le combat Ali-Foreman n’était pas qu’un match de boxe – c’était l’Afrique qui disait au monde : « Nous sommes là, nous pouvons briller ».
Aujourd’hui, alors que nous commémorons le 51e anniversaire de ce moment historique, une question demeure : la RDC pourrait-elle à nouveau organiser un événement d’une telle ampleur ? Les infrastructures existent, la passion du sport aussi. Peut-être qu’un jour, un nouveau combat du siècle viendra écrire une nouvelle page de l’histoire sportive congolaise. En attendant, le souvenir de cette nuit magique continue d’inspirer et de rassembler.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: mediacongo.net
