Dans l’enceinte historique de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, une alchimie particulière se prépare entre la tradition artistique congolaise et les promesses numériques de notre siècle. Ce lundi 28 octobre 2025, s’ouvre un chapitre inédit dans l’histoire culturelle de la RDC : un atelier consacré à la critique d’art à l’ère de l’intelligence artificielle, rassemblant trente professionnels des médias congolais sous l’égide du Réseau des Journalistes pour la Culture et le Développement Durable.
L’atmosphère est chargée d’une curiosité palpable, mêlée d’appréhension légitime. Comment, en effet, concilier la sensibilité humaine nécessaire à l’appréciation artistique avec la froide logique algorithmique ? La réponse semble se dessiner dans les regards concentrés des participants, conscients de se trouver à la croisée des chemins entre patrimoine et innovation.
Le Professeur Henri Kalama Akulez, Directeur général de l’Académie des Beaux-Arts, ouvre le bal des réflexions avec une pertinence remarquable. Sa voix porte l’écho de Denis Diderot, père de la critique d’art moderne, dont il cite les mots comme un mantra fondateur : « On ne voit bien que ce qu’on regarde avec attention ». Cette attention, justement, sera-t-elle préservée face à la rapidité déconcertante des outils numériques ? La question plane dans l’auditorium, suspendue entre espoir et scepticisme.
L’atelier critique art Kinshasa se propose précisément d’explorer cette tension fertile. Sur trois jours, les journalistes découvriront comment l’IA peut devenir un compagnon de route dans leur travail d’analyse, sans pour autant remplacer ce regard unique qui fait la singularité de la critique congolaise. Madame Anne Lafont, historienne de l’art et formatrice, apporte son expertise à cette délicate entreprise d’hybridation des compétences.
Mais au-delà de la simple technique, c’est toute une philosophie de l’art qui se réinvente. Le Professeur Kalama le souligne avec éloquence : « La critique d’art donne sens à la création ; elle aide la société à comprendre ses artistes et à se comprendre elle-même à travers eux ». Dans un pays où la création artistique explose dans toute sa vitalité, cette mission prend une dimension particulière. Comment l’intelligence artificielle pourra-t-elle saisir les subtilités contextuelles, les non-dits culturels, les références propres à l’imaginaire congolais ?
La formation journalistes culture RDC s’articule autour d’objectifs ambitieux : développer les compétences analytiques, encourager la réflexion sur les enjeux spécifiques au contexte kinois, et surtout, créer un espace d’échanges féconds entre professionnels. L’initiative, soutenue par l’Institut Français – Halle de la Gombe et le média culturel Arts.cd, témoigne d’une reconnaissance croissante de l’importance de la critique dans l’écosystème artistique national.
L’Académie Beaux-Arts Kinshasa se révèle ainsi le lieu idéal pour cette exploration frontalière. Entre ses murs chargés d’histoire et les promesses technologiques, se joue peut-être l’avenir de la réception artistique en Afrique centrale. Les participants apprendront à maîtriser l’IA non comme un remplacement, mais comme un amplificateur de leur propre sensibilité critique.
Le programme prévoit la production d’un annuaire rassemblant trente articles de critique d’art, autant de témoignages de cette rencontre entre tradition et modernité. Ces textes formeront une cartographie précieuse de la scène artistique contemporaine, vue à travers le prisme d’une critique renouvelée mais toujours ancrée dans la réalité congolaise.
L’enjeu dépasse largement la simple acquisition de compétences techniques. Il s’agit de préserver la richesse de la critique d’art intelligence artificielle tout en l’ouvrant aux possibilités offertes par le numérique. Dans un monde où les images circulent à une vitesse vertigineuse, la critique devient plus que jamais nécessaire pour donner du sens, de la profondeur, de la persistance.
L’exploration de l’art et IA en RDC qui commence ces jours-ci à Kinshasa pourrait bien marquer un tournant dans la façon dont nous appréhendons la création contemporaine. Entre crainte et fascination, les journalistes présents semblent conscients de porter une responsabilité importante : celle d’inventer une critique qui soit à la fois respectueuse des héritages et ouverte aux horizons nouveaux.
Alors que le soleil décline sur la capitale congolaise, les échanges se poursuivent, passionnés, contradictoires parfois, mais toujours animés par cette conviction partagée : l’art mérite qu’on lui accorde toute notre attention, et les outils numériques, utilisés avec discernement, peuvent nous aider à voir encore mieux ce que nous regardons avec passion.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
